La publication de certains éléments de preuve présentés au tribunal lors des observations sur la peine imposée à Justin Bourque causerait de nouveaux traumatismes aux proches des policiers de la GRC abattus par le prévenu à Moncton, a plaidé lundi la Couronne.

Des médias d'information, dont La Presse Canadienne, demandent au tribunal d'avoir accès aux éléments de preuve qui ont été déposés en cour avant de condamner Bourque à la prison à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 75 ans. Bourque a plaidé coupable à trois chefs d'accusation de meurtre au premier degré, et à deux chefs de tentative de meurtre, relativement à la fusillade qui avait semé tout un émoi le 4 juin dernier à Moncton.

Le procureur de la Couronne Cameron Gunn a indiqué lundi au juge David Smith, de la Cour du banc de la reine, qu'il est d'accord avec le principe d'un système judiciaire ouvert et public, et que dans cette affaire, il n'est pas contre la publication de certains éléments de preuve, mais pas tous. M. Gunn s'oppose notamment à la publication de photographies des corps des policiers blessés, des communications radio de certains des derniers messages des policiers tués, et de la bande vidéo d'un interrogatoire de Bourque après son arrestation, où il tient des propos décousus aux accents vaguement libertariens.

Me Gunn a indiqué au juge que le tribunal devrait viser ici l'équilibre entre la justice publique et la sensibilité des proches des victimes. Il craint notamment que si l'interrogatoire de Bourque était diffusé, il resterait présent à jamais sur internet, ce qui offrirait une tribune perpétuelle à son message.

L'avocat de Bourque, David Lutz, craint aussi que si l'interrogatoire de son client était publié, il pourrait devenir pour certains un message culte, comme ceux, aux États-Unis, de l'auteur de l'attentat d'Oklahoma City, Timothy McVeigh, et du leader d'une secte David Koresh. Me Lutz a d'ailleurs indiqué que son client ne souhaitait pas stigmatiser davantage ses victimes ou leurs proches avec la publication de cet interrogatoire.

L'avocat des médias, David Coles, plaidera que le public a le droit de savoir ce qui a poussé le tribunal à condamner Bourque à une peine aussi lourde - la plus sévère jamais prononcée depuis la dernière exécution en 1962. D'ailleurs, soutient-il, les personnes présentes dans la salle d'audience au procès de Bourque ont eu accès à cette preuve, sans huis clos, et la population en général devrait pouvoir bénéficier de ce même accès.

Bourque a tué les agents de la Gendarmerie royale du Canada Dave Ross, 32 ans, Fabrice Gevaudan, 45 ans, et Doug Larche, 40 ans. Les agents Éric Dubois et Darlene Goguen ont été blessés lors des fusillades qui avaient provoqué un état de siège dans Moncton, avant que Bourque ne soit finalement arrêté près de 30 heures plus tard.