Dans la foulée des scandales de malversations qui l'ont éclaboussée ces dernières années, SNC-Lavalin aura été plus prompte à chercher à se faire rembourser qu'à rembourser les contribuables québécois.

Un tribunal suisse a accordé à la firme de génie-conseil le statut de victime, hier, lors de la condamnation pour corruption de l'un de ses anciens dirigeants, Riadh Ben Aïssa. La cour accorde ainsi à l'entreprise le versement de plusieurs millions de dollars saisis à M. Ben Aïssa.

L'ex-vice-président de SNC-Lavalin avait déjà annoncé qu'il plaidait coupable à une série d'accusations liées à des activités de corruption sous l'ancien régime libyen de Mouammar Kadhafi, mais ce n'est qu'hier que le tribunal pénal fédéral suisse a ratifié son plaidoyer.

Le jugement a été lu par le magistrat et aucune copie écrite n'était disponible, hier. Mais selon Radio-Canada, qui avait un représentant sur place, l'accusé a écopé de trois ans de prison, dont 18 mois avec sursis. Comme M. Ben Aïssa a déjà passé plus de deux ans en détention préventive, il aurait pu être libéré dès maintenant. Il reste toutefois derrière les barreaux, puisque le Canada a demandé son extradition vers Montréal, où il fait face à des accusations criminelles dans l'affaire du truquage de l'appel d'offres du Centre universitaire de santé McGill (CUSM).

16 millions en dédommagement

Toujours selon Radio-Canada, la justice suisse a saisi les comptes bancaires helvétiques de M. Ben Aïssa ainsi que son appartement à Paris. Le magistrat a ordonné que SNC-Lavalin, à titre de victime des activités de M. Ben Aïssa, reçoive 14 millions de dollars provenant de la confiscation de ces biens, ainsi que 2 millions tirés du compte en banque de son épouse.

Rappelons que la firme avait dénoncé son ancien haut dirigeant aux autorités lorsqu'elle avait constaté qu'il aurait participé à l'utilisation de plus de 50 millions pour des versements non conformes à des «agents» chargés de l'aider à gagner des contrats publics en différents endroits du monde.

«SNC-Lavalin est satisfaite d'avoir été reconnue partie lésée dans le cadre de la procédure suisse et d'avoir, en conséquence, récupéré certaines sommes d'argent», s'est réjouie la firme dans un communiqué publié hier.

Pas de date pour le projet de loi

Au Québec, la firme a été montrée du doigt non seulement dans le scandale du CUSM, mais aussi dans le stratagème de collusion exposé à la commission Charbonneau, qui aurait permis aux firmes de génie de gonfler les prix des contrats publics.

La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, travaille toujours à l'élaboration d'un projet de loi qui forcerait les sociétés impliquées à rembourser les montants versés en trop par les organismes publics. Elle n'a pas donné de date précise pour son dépôt. «L'objectif est de le déposer cet automne», a confirmé son attachée de presse, Jolyane Pronovost.

Chez SNC-Lavalin, la direction assure ne pas avoir l'intention de se défiler, lorsque le gouvernement aura finalement arrêté les modalités du remboursement.

«Nous avons déjà déclaré notre engagement à faire notre part pour conclure avec le gouvernement du Québec un règlement global, final et équitable qui nous permettrait d'aller de l'avant avec le Québec et de mettre ces allégations derrière nous», a déclaré à La Presse Michael Kuhn, directeur des communications mondiales de l'entreprise.