Emma Czornobaj était consciente du danger d'arrêter sa voiture sur la voie de gauche de l'autoroute. Elle l'a fait quand même, démontrant ainsi qu'elle se préoccupait plus de la sécurité des canards que celle des autres conducteurs. Elle devrait être déclarée coupable.

C'est ce que Me Anne-Claude Chassé a fait valoir jeudi matin, alors qu'elle plaidait devant le jury chargé de juger Mme Czornobaj. La femme de 25 ans subit son procès depuis deux semaines, sous des accusations de négligence criminelle et conduite dangereuse ayant causé deux morts. La moto conduite par André Roy a percuté l'arrière de la voiture immobilisée de Mme Czornobaj, le 27 juin 2010, vers 19h20, sur l'autoroute 30, près de Candiac. L'homme de 50 ans est mort, de même que sa fille Jessie, 16 ans, qui était sa passagère. Mme Czornobaj s'était arrêtée pour porter secours à des canetons qui déambulaient sur le bord de l'autoroute.

Distraction

Pour Me Chassé, il est clair que cet arrêt constitue de la négligence criminelle et une conduite dangereuse. Mme Czornobaj est sortie de sa voiture et a marché sur le bord de l'autoroute pour essayer d'attraper les canards.  Ce faisant, elle est devenue elle-même une distraction pour les autres automobilistes, a-t-elle dit. En la regardant elle, à gauche de l'autoroute, leur attention n'était plus portée sur le devant de la route. Une automobiliste, Martine Tessier, a vu la jeune femme sur le bord de la route et a été surprise de voir la voiture arrêtée par la suite. Elle a pu l'éviter en se tassant brusquement à droite. «J'étais assez près pour savoir que je n'avais pas le temps de freiner», a dit Mme Tessier, lors de son témoignage. Le motocycliste Roy, qui arrivait derrière, n'a pas pu l'éviter. On sait que M. Roy a regardé la jeune fille sur la route, et qu'il lui a même fait des signes de la main pour lui signaler que c'était dangereux. C'est ce que son épouse, Pauline Volikakis, qui suivait sur sa propre moto, a raconté. 

Quand M. Roy a regardé de nouveau vers la route, il n'avait plus le temps de freiner. Il a appliqué les freins à environ neuf mètres de la voiture immobilisée. À la vitesse qu'il allait (entre 113 et 129km\h), cela lui laissait 0.33 de seconde. Me Chassé a par ailleurs émis l'hypothèse que M. Roy n'avait peut-être pas vu la voiture de Mme Czornobaj de loin, parce qu'il avait la vue obstruée par le véhicule de Mme Tessier.

Lors de sa plaidoirie, Me Marc Labelle, en défense, a invoqué la vitesse de la moto comme un des facteurs de «l'accident.»

Pour Me Chassé, il ne s'agit pas d'un accident. La procureure a donné les définitions du mot «accident» qu'elle a tirées du dictionnaire. On y spécifie que c'est un événement inattendu, non intentionnel...

«Si Mme Czornobaj avait freiné sur l'autoroute pour éviter les canards devant elle, et que M. Roy arrivant derrière avait percuté sa voiture, il s'agirait d'un accident. Mais ce n'est pas ce qui s'est produit. Les canards étaient sur le bord de l'autoroute et elle a arrêté dans le but de les attraper et les mettre dans sa voiture. Elle savait que c'était dangereux, puisqu'elle dit avoir mis ses feux de détresse. La procureure estime avoir prouvé que madame s'est rendue coupable de négligence criminelle et conduite dangereuse. 

Ce sera au jury de décider, mais pas avant la semaine prochaine. La juge Eliane Perreault adressera ses directives au jury lundi. D'ici là, le procès fait relâche.