Nassif Simon Saidy, un chauffeur de taxi qui avait abandonné dans la rue un client ivre et malade, en mars 2010 à Montréal, a été acquitté de l'accusation de négligence criminelle causant la mort. Il a toutefois été déclaré coupable de vol pour avoir pris 20$ dans le portefeuille du client mal en point.

Vers 3h, dans la nuit du 2 mars 2010, le client en question, James McAlinden, 71 ans, a été laissé par terre devant son domicile de la rue Basile-Patenaude. Incapable de s'y rendre, il a agonisé dans la rue. C'est un passant qui, environ deux heures plus tard, a aperçu M. McAlinden sur la chaussée, entre deux voitures. Il a appelé les secours, mais il était trop tard pour le septuagénaire, qui a été déclaré mort à l'hôpital.

Le procureur de la Couronne Pierre Garon reprochait à M. Saidy d'avoir abandonné M. McAlinden en détresse et de lui avoir fait les poches. La juge Linda Despots a convenu qu'il aurait été préférable que M. Saidy appelle les secours, mais a conclu que cette omission n'était pas de nature criminelle. Le chauffeur «ne pouvait pas connaître la précarité de l'état de santé de son client», note la juge.

Pas mort de froid

Il faisait entre -10 et -15 °C cette nuit-là. Le froid n'a sûrement pas amélioré la condition de M. McAlinden, mais il n'est pas mort d'hypothermie. C'est une «cardiopathie dilatée» qui l'a emporté, a conclu la pathologiste judiciaire Carolyne Tanguay. L'homme souffrait aussi de problèmes respiratoires et avait recours à une bouteille d'oxygène occasionnellement. Mais il ne l'avait pas avec lui cette nuit-là. Quant à sa canne, elle était à environ 25 pieds de lui lorsqu'il a été découvert. La Dre Tanguay estime que M. McAlinden était si malade qu'il aurait pu mourir à tout moment. Par contre, s'il avait reçu des soins appropriés en temps opportun, il aurait pu survivre, a-t-elle conclu.

M. McAlinden, un électricien à la retraite, était un habitué d'un bar de la rue Masson. Il s'y était rendu le soir en question et avait consommé. Selon la serveuse de l'endroit, il avait une respiration haletante et les lèvres bleues. Il s'était endormi à quelques reprises sur le comptoir. Il disait qu'il allait bientôt mourir. La serveuse lui a conseillé d'arrêter de boire et de rentrer chez lui. Elle lui a appelé un taxi, car même s'il n'habitait qu'à cinq minutes, il n'était pas en état de marcher jusque-là.

Témoignage confus

L'enquête policière a permis de remonter jusqu'au chauffeur, Nassif Simon Saidy. Ce dernier a été interrogé un mois après la mort de M. McAlinden. L'homme d'origine libanaise, qui a une intelligence moyenne et qui souffrirait de schizophrénie paranoïde, selon un rapport médical, répondait de manière confuse, voire incompréhensible.

En résumé, il a raconté que, une fois rendu à destination, M. McAlinden ne voulait pas sortir du véhicule et s'accrochait au dossier du siège. Le chauffeur a admis l'avoir sorti de force et avoir pris 20$ dans son portefeuille pour payer la course, qui coûtait 5$. Le chauffeur se souvenait que M. McAlinden criait que c'était un «hold-up», et qu'il était par terre.

M. McAlinden n'avait plus son portefeuille sur lui quand il a été découvert. Le portefeuille, vidé de son argent, a été trouvé plus tard dans une boîte postale du quartier. M. Saidy a assuré qu'il n'avait pris que 20$, mais même si c'est le cas, les 20$ ne lui appartenaient pas et c'était plus que le coût de la course, a affirmé la juge. Elle l'a donc déclaré coupable de vol.

M. Saidy reviendra devant le tribunal le 7 octobre pour les plaidoiries sur la peine.