Il est descendu de voiture après avoir vu «la petite fille». Il l'a attrapée, l'a jetée par terre. Elle ne pleurait pas, elle cherchait ses lunettes. Elle était comme en convulsions.

Il l'a traînée plus loin, l'a déshabillée, s'est masturbé sur elle. Il l'a aidée à se rhabiller. Il a entendu du bruit, a paniqué, a enfoncé la petite dans l'eau vaseuse. «J'ai pesé dessus puis j'ai mis la roche. J'ai attendu que ça arrête de bouger, puis je suis parti.»

C'est de cette manière que la petite Joleil Campeau, neuf ans, aurait été agressée sexuellement et tuée, le 12 juillet 1995, dans le boisé à deux pas de chez elle, à Auteuil. Ce récit d'horreur, c'est Éric Daudelin qui l'a livré, 16 ans après le meurtre, au criminel qui, fort de ses contacts, était sensé tout lui «arranger ça» s'il disait la vérité.

Le criminel était en fait un policier agent double qui, avec plusieurs collègues, avaient patiemment tissé leur toile pour piéger Daudelin et le faire parler. L'opération qui a nécessité beaucoup de ressources, s'est déroulée du 9 mars au 21 juin 2011 en 45 scénarios. Les aveux sont survenus au 45 e scénario alors que Daudelin se trouvait à Vancouver avec ses faux collègues criminels pour supposément effectuer «la grosse job» que tout le monde attendait. Les confidences de Daudelin ont été faites dans un entrepôt de Vancouver appartenant à l'organisation, et tout a été filmé et enregistré. 

On aurait pu entendre une mouche voler, ce matin, quand la Couronne a fait jouer l'enregistrement de cette rencontre, qui dure un peu plus d'une heure. 

Robert, l'agent double qui joue le grand patron, arrive à l'entrepôt contrarié. La «grosse job» doit être remise en raison de Daudelin. Il a attiré «la chaleur.» Il fait sortir tout le monde de l'entrepôt pour s'entretenir seul à seul avec Daudelin. Il lui annonce qu'il sait la police a réouvert l'enquête sur le meurtre d'une petite fille, et qu'il est le suspect. En raison de ses contacts, il sait même que la police a trouvé l'ADN de Daudelin. Robert est disposé à aider Daudelin à s'en sortir, mais il doit tout savoir du crime. «Je ne peux régler le problème à 30%. Il faut que je le règle à 100%», dit Robert. «Pas de bullshit», tonne Robert.

D'abord réticent, Daudelin finira par parler. Mais il omettra des détails, invoquant un black-out et des blancs de mémoire. «Le blanc, je te crois pas», crache Robert. 

Devant l'insistance de Robert, Daudelin ira plus en détails et dessinera même un plan des lieux.

«Je débarque de l'auto, je l'ai poussée, il y avait un genre de fossé. Je l'ai poussée là elle est tombée. Elle a commencé des convulsions, des tremblements. Je l'ai pris, c'est là que ça a fait un déclic. Je sais pas ce qui s'est passé....» Daudelin se souvient que la petite était nue quand il a éjaculé sur elle. Il l'a aidée à se rhabiller, et l'a tuée après, dans le fossé rempli d'eau. «Elle était comme dans la vase...»

On sait que l'ADN de Daudelin a été retrouvé sur la petite culotte de Joleil, à l'extérieur, à l'entrejambe.

Le procès se poursuit cet après-midi, à Laval.