Alors qu'il était détenu à la prison de St-Jérôme, en 2013, Éric Daudelin aurait avoué à son compagnon de cellule qu'il avait tué la petite Joleil Campeau.

« Il m'a dit qu'un soir il a vu la petite fille, il l'a suivie, l'a pris, a abusé d'elle. Il m'a dit qu'il l'avait étranglée et jetée dans un marais ou un fossé », a raconté Pierre David, mercredi, alors qu'il témoignait au procès d'Éric Daudelin. M. David, 47 ans, a expliqué qu'il avait obtenu ces confidences alors qu'il partageait la cellule d'Éric Daudelin, dans une aile de ségrégation à la prison de St-Jérôme. 

Le témoin a indiqué qu'il avait lui-même été placé dans ce secteur une première fois, pendant cinq mois en 2012, car il y avait surpopulation. Éric Daudelin était là, mais ils n'étaient pas dans la même cellule et n'avaient pas fraternisé. Ce n'est que l'année suivante, en 2013, quand M. David s'est retrouvé de nouveau dans ce secteur et qu'il a été placé dans la cellule de Daudelin, qu'ils se sont mis à discuter. Daudelin prétendait qu'il était là « parce qu'il avait tiré un de ses amis. »  Mais voilà, un jour, en février 2013, M. David dit être tombé sur un article du Journal de Montréal ayant trait à l'enquête préliminaire pour le meurtre de la petite Joleil Campeau. Et c'était la photo de Daudelin qui paraissait comme étant l'accusé. Sur les entrefaites, M. Daudelin, qui revenait de la Cour, a vu la page du journal.

« Il m'a dit ah, je pensais pas qu'ils en avaient parlé aujourd'hui », a relaté M. David. Ce dernier serait devenu tout énervé, et aurait traité M. Daudelin de « grosse vidange » et de « morceau de cochon. »  

« La patate me battait de même, a-t-il dit en se donnant des coups sur la poitrine. Pour moi, ça ne passe pas des choses de même. » Il était tellement « en panique », dit-il, qu'il a été amené à l'infirmerie pendant deux ou trois heures pour se calmer. Il a appelé sa mère en appel conférence, et lui a demandé de le sortir de là.

Autre secteur

M. David a été placé dans un autre secteur, celui des « gars du pen ». À cet endroit, il s'enfermait à double tour dans sa cellule, car il avait peur, a-t-il dit. Il affirme avoir vu une bataille au cours de laquelle un gars s'est fait « arracher les deux oreilles. » Au bout de cinq jours, il a demandé à revenir dans le secteur de ségrégation. Le 10 ou 11 février 2013, il est retourné dans ce secteur, dans la même cellule que Daudelin. Il a découpé l'article avec les photos du Journal de Montréal, et l'a déposé bien en vue sur son bureau, pour que Daudelin le voie. M. David dit s'être excusé auprès de M. Daudelin, car il l'avait jugé, sans être un juge. «Éric m'a pardonné», a raconté M. David, qui aurait ensuite entrepris de faire parler M. Daudelin à propos du crime, par curiosité. 

M. David a expliqué qu'il fournissait des cigarettes à Éric Daudelin, car ce dernier n'avait pas d'argent. «Je lui ai dit 'je te paie des cigarettes, je comprends pas, t'es accusé du meurtre d'un enfant. Ça passe pas dans mon livre à moi. Pourquoi t'as fait ça?'»

Selon M. David, Éric Daudelin était calme, mais avait la tête basse. «Il a dit, 'je le sais pas, ça m'a pogné de même.'»

Confidences

Au fil des jours, pendant deux à trois semaines, M. Daudelin aurait fait les confidences rapportées plus haut. Il aurait aussi dit qu'il allait avoir un alibi pour la cagoule et les gants trouvés dans le secteur du crime. « Il m'a dit que pendant que ça arrivait, il était à Montréal en train de faire un vol qualifié, et que sa seule erreur avait été de jeter sa cagoule et ses gants près du meurtre de Joleil Campeau. »

M. Daudelin aurait aussi signalé qu'il avait plu, «qu'il avait mouillé sur le corps, que l'eau détruit l'ADN, et qu'il ne se ferait pas pogner là-dessus.»

M. David dit qu'il n'est pas un délateur. S'il a trahi Daudelin, c'est que pour lui, le meurtre d'un enfant, «ça ne passe pas.» Il n'a eu aucun avantage ni promesse en échange, dit-il.

Contre-interrogatoire

M. David a un long casier judiciaire, notamment en matière de vols de moins de 5000 $, et stupéfiants. Il n'a cependant jamais eu de peines plus longues que 18 mois. Me Gilles Daudelin, qui représente l'accusé, a abondamment questionné le témoin sur ses antécédents, et sur ses démêlés en prison, pour miner sa crédibilité. Il a aussi mis en doute la véracité des confidences. Mais M. David a répété qu'il disait la vérité.

Rappelons que la Joleil Campeau a été enlevée, agressée sexuellement et est morte noyée dans le ruisseau qui coule non loin de chez elle. Le crime est survenu le 12 juin 1995, vers les 17 heures. Son corps a été trouvé quatre jours plus tard. Daudelin, qui avait des antécédents d'agression sexuelle, et qui demeurait à 5km de là, avait été suspecté dès le début. Mais ce n'est qu'en 2011 qu'il a été accusé. Le procès se poursuit jeudi, à Laval.

Photo: Archives La Presse

Joleil Campeau

Photo David Boily, La Presse

Pierre David, ancien codétenu d'Éric Daudelin, s'est dirigé vers la salle d'audience en se cachant le visage des médias.