Les deux derniers individus accusés du meurtre de Raymond Ellis, ce jeune homme pris pour un autre et lynché à mort dans un bar du centre-ville de Montréal en octobre 2005, ont été condamnés à 15 et 14 ans de prison ce matin au Palais de justice de Montréal, dans un jugement d'une dureté rarement vue.

Le juge Michael Stober de la Cour Supérieure a même rendu des sentences plus sévères que ce que la Poursuite réclamait pour John Tshiamala et Evans Belleville. Il ne s'est pas gêné pour toiser directement les deux condamnés de 28 et 29 ans, originaires du Congo et de Haïti, et leur rappeler que leur pays d'accueil leur avait fait confiance.

«Les deux étaient adolescents lorsqu'ils sont arrivés ici. Ils ont été accueillis à bras ouverts. Ils ont eu des difficultés dans leur pays d'origine, mais ces difficultés ne peuvent servir de bouclier de justifications pour les crimes commis dans leur nouveau pays. À un moment donné, il faut être responsable de ses actes et ne pas se cacher derrière son passé», a d'abord lancé le juge Stober.

«Vous êtes arrivés ici à un bel âge. Vous avez tous les deux obtenu les avantages de tous les citoyens canadiens ; éducation gratuite, assurance-maladie, assurance-emploi, aide sociale. Vous avez fait montre d'un mépris et d'un manque de respect flagrant envers l'administration de la justice et les gouvernements du Québec et du Canada», a ajouté le magistrat, tout en soulignant le fait que leur victime, Raymond Ellis, était également originaire d'un autre pays, la Jamaïque, mais qu'il avait choisi d'étudier, d'obtenir un diplôme et d'ouvrir sa propre boutique de vêtement où il travaillait jusqu'à ce qu'il soit «victime d'une attaque sauvage et gratuite nullement provoquée, une brutalité digne d'un bassesse de l'humanité».

Lynchage en règle

Le soir du 23 octobre 2005, Raymond Ellis, 25 ans, et deux de ses amis se sont présentés au bar Aria sans savoir que des dizaines de membres des Bleus tenaient une soirée à la mémoire d'un des leurs récemment assassiné. Soudain, l'un des Bleus a pris Ellis pour le meurtrier et ce dernier a été frappé par une horde d'individus à coups de couteau, de tabouret, de poings et de pieds. Il est décédé peu après.

Cinq hommes avaient été arrêtés, mais leur procès a pris fin sur un arrêt des procédures en janvier 2009. La Cour d'Appel a ordonné la tenue d'un second procès. Deux autres accusés, Ernso Théobrun et McLee Charles ont reconnu leur culpabilité à une accusation d'homicide involontaire coupable et ont été condamnés respectivement à 10 ans et neuf mois, et neuf ans de prison.

Mais Tshiamala et Belleville ont subi leur procès et un jury les a déclarés coupables le trois février dernier.

Juste avant que le juge rende sa décision ce matin, Tshiamala a déposé une lettre dans laquelle il a offert ses sincères condoléances à la famille Ellis, ajoutant qu'il avait fait «les mauvais choix et eu les mauvaises fréquentations, mais qu'il n'était plus le même aujourd'hui». Trop peu trop tard pour le juge Stober qui a qualifié les écrits de Tshiamala «d'intéressés, non sincères et de tentative d'obtenir une peine plus clémente».

En soustrayant la détention préventive, il reste 4 ans et sept mois de prison à purger à Tshiamala à compter de ce jour et trois ans et cinq mois pour Belleville.

«C'est une grande victoire pour la justice. Cela ne nous ramènera pas notre fils, mais cela va nous aider à continuer», a déclaré Raphael Ellis, le père de Raymond Ellis à la sortie de la salle d'audience.

«Nous sommes satisfaits. J'espère que ce jugement va faire en sorte que ce genre de meurtre gratuit va cesser», a renchéri la mère de la victime, Joyce Ellis, qui a pratiquement suivi toutes les procédures depuis huit ans.

Photo Olivier Jean, La Presse

Les parents de Raymond Ellis