Le caïd Giuseppe De Vito a vu ses filles en cachette à au moins deux reprises pendant sa cavale. Et aujourd'hui, il se blâme pour leur mort.

«Je me blâme, oui, j'imagine. J'aurais dû être là. Peut-être que j'aurais pu faire quelque chose. Comme un père, j'imagine», a-t-il dit, pendant le bref témoignage qu'il a livré au procès de sa femme, Adèle Sorella, mercredi après-midi, au palais de justice de Laval.

Mme Sorella est accusée d'avoir tué avec préméditation leurs deux filles, Sabrina et Amanda, le 31 mars 2009. M. De Vito était en cavale depuis deux ans et demi à ce moment. Il était recherché dans le cadre de l'opération Colisée, qui visait la mafia italienne. Il a été arrêté à l'automne 2010.

La venue de M. De Vito au palais de justice de Laval a été entourée de  strictes mesures de sécurité. La juge a d'ailleurs avisé le jury qu'il fallait sécuriser la salle, car M. De Vito est incarcéré. De fait, l'homme a été condamné à une peine de 15 ans en juin dernier, pour gangstérisme et complot pour importation de drogue, une affaire rattachée à l'enquête dans Colisée. Il purge sa peine à la prison de Donnacona.

M. De Vito est entré dans le box vêtu d'un t-shirt noir qui mettait en évidence ses biceps manifestement gonflés par l'entraînement. Surnommé  Pony Tail en raison de sa coiffure, il avait les cheveux attachés en chignon et arborait une barbe et une moustache. Adèle Sorella avait été déplacée pour ce témoignage. Elle n'était plus dans le box des accusés, mais  à une table, avec ses deux avocats, Pierre et Guy Poupart. M. De Vito l'a longuement regardée.

C'est le procureur de la Couronne Louis Bouthillier qui a interrogé M. De Vito, avec des questions claires et courtes. L'homme de 46 ans y répondait de façon brève, sans hésitation.

M. De Vito ne se souvient plus en quelle année il a épousé Adèle Sorella, mais il sait qu'il avait 30 ans à ce moment. Ils sont toujours mariés, ils n'ont jamais divorcé, a-t-il dit. Ils ont eu deux enfants, Amanda et Sabrina. Il est parti en cavale en novembre 2006, parce que la police  voulait l'arrêter. Il n'était pas bien loin pendant tout ce temps. «Je suis resté à Montréal, et à Toronto.» Il vivait seul, a-t-il dit.

Il admet qu'il a vu ses filles à quelques reprises pendant sa cavale. À Toronto et à Montréal, et au moins une fois dans la maison de la rue de l'Adjudant, à Laval.

Aux nouvelles

Les corps de Sabrina et Amanda, âgées de huit et neuf ans, ont été trouvés allongés côte à côte dans la salle de jeu de la luxueuse maison de la rue de l'Adjudant, l'après-midi du 31 mars 2009. M. De Vito vivait à Montréal à ce moment.  Il dit l'avoir appris la nouvelle «comme tout le monde, aux nouvelles.» Il n'a jamais reparlé à Mme Sorella, dit-il. Et il n'a pas assisté aux funérailles de ses enfants.

«Pourquoi», lui a demandé Me Bouthillier?

«J'étais en cavale» a répondu M. De Vito, comme si cela allait de soi.

Me Bouthillier lui a alors demandé s'il avait quelque chose à voir avec la mort de ses filles. C'est à ce moment que M. De Vito a répondu qu'il se blâmait, en raison de son absence.

«Je n'ai plus de question», a lancé Me Bouthillier dès après. La défense n'avait pas de question pour M. De Vito.  Le témoignage de ce dernier aura donc duré moins de cinq minutes. Avant de partir, il a regardé en direction de l'accusée.

Un peu plus tôt dans la journée, le jury a écouté la vidéo de la déclaration que Mme Teresa Di Cesare a donnée à la police, le soir du 31 mars 2009, quelques heures après avoir découvert ses petites filles mortes. Mme Di Cesare est la mère de l'accusée. La juge a indiqué au jury que le visionnement leur servirait pour apprécier la crédibilité du témoin. Dans cette déclaration qui dure un peu plus d'une heure, Mme De Cesare mentionne que le matin, les petites lui ont dit qu'elles avaient un rendez-vous chez le médecin avec leur mère. Aujourd'hui, Mme Di Cesare soutient que les enfants ne lui ont jamais parlé de ce rendez-vous. Le procès se poursuit jeudi.