L'héritière de l'empire Steinberg et son mari ont été la cible de cambrioleurs qui leur ont dérobé des oeuvres d'art estimées à des centaines de milliers de dollars à leur résidence des Laurentides, entre mardi et mercredi, a appris La Presse. Un vol exécuté avec une précision dont seule une poignée de professionnels est capable au Québec, selon les experts.

« Ils étaient très organisés », a confirmé hier le fils de Mitzi Steinberg Dobrin et Mel Dobrin, au sujet des voleurs qui ont détroussé ses parents.

Le couple de retraités est bien connu pour sa passion des arts. « Mes parents ont réuni leur collection pendant 40 ans, c'est de l'amour », explique le fils. Et ils avaient les moyens de nourrir leur passion. Mitzi Steinberg Dobrin, fille du fondateur de la grande chaîne de magasins Steinberg, a partagé des centaines de millions de dollars avec les autres membres de sa famille lors de la vente de l'entreprise au prix de 1,3 milliard, en 1989. Son mari, Mel Dobrin, a été président de la chaîne et est demeuré un investisseur prospère par la suite.

Le couple a amassé des oeuvres de grande valeur. Des dizaines d'entre elles étaient conservées à leur résidence secondaire d'Ivry-sur-le-Lac, près de Mont-Tremblant. La collection est tombée dans la mire d'un voleur. Un vrai connaisseur.

25 À 30 TABLEAUX DISPARUS

De mardi à mercredi, alors que personne n'était à la résidence, quelqu'un a neutralisé le système d'alarme et s'est discrètement introduit à l'intérieur. Le ou les auteurs du vol ont retiré de 25 à 30 toiles de leurs cadres, dont certaines pourraient valoir à elles seules jusqu'à 100 000 $, selon les premières estimations. Puis les voleurs sont repartis sans laisser de traces.

« Ils ont volé beaucoup d'oeuvres, mais ils en ont laissé beaucoup derrière aussi », constate leur fils.

Un modus operandi classique de la poignée de cambrioleurs spécialisés - moins de cinq au Québec - qui oeuvrent dans le vol d'oeuvres d'art de haut vol, selon Alain Lacoursière, ancien policier expert en ce domaine qui a résolu plusieurs dossiers similaires pendant sa carrière.

« Un professionnel n'emporte pas les cadres, ça ne vaut rien et c'est lourd. Il choisit ses oeuvres. Elles sont déjà destinées à un commanditaire, qui est presque toujours quelqu'un du crime organisé. Il ne va pas les proposer sur le marché. Il ne laisse pas de traces et il reçoit une "cote", un pourcentage de la valeur de l'oeuvre, pour son travail », explique l'ancien sergent-détective.

Ces bandits très spéciaux utilisent toutes sortes de techniques pour faire leur repérage chez les collectionneurs, ajoute-t-il : ils espionnent par les fenêtres une fois le soleil couché, se présentent comme des livreurs ou des employés d'entreprises en tous genres ou se font carrément embaucher par des firmes de traiteurs ou autres services à domicile.

ENQUÊTEURS À PIED D'OEUVRE

La Sûreté du Québec confirme avoir été appelée pour un vol avec introduction par effraction mercredi midi. Encore hier, ses experts étaient sur place pour recueillir un maximum d'indices.

« Ils ont des gens qui ont l'air de connaître ça, ils travaillent très fort », souligne le fils des victimes. Celui-ci affirme partager la peine de ses parents quant aux tableaux disparus.

« C'est bouleversant. Même s'ils sont assurés, on ne peut remplacer certaines oeuvres qui sont merveilleuses. Il y a des chefs-d'oeuvre qui sont perdus à cause de vols comme ça... perdus pour le monde », dit-il.

Photo Michel Gravel, archives La Presse

Mitzi Steinberg Dobrin, fille du fondateur de la chaîne de magasins Steinberg, en 1978

PHoto Michel Gravel, archives La Presse

Melvyn Dobrin, ex-président de la chaîne Steinberg, en 1974