Ce n'est pas seulement par crainte qu'ils rejoignent des djihadistes en Syrie que deux élèves du collège de Maisonneuve ont été jetés préventivement en prison cette semaine. La GRC s'inquiète aussi de la découverte chez l'un d'eux de matériel qui aurait pu servir à fabriquer des explosifs ou engins incendiaires, a appris La Presse.

Les enquêteurs de l'Équipe intégrée de la sécurité nationale jouent de prudence dans cette affaire, car à première vue, les substances saisies lors d'une perquisition cette semaine sont légales. Il peut donc y avoir un motif légitime de les avoir en sa possession.

Ce qui ne veut pas dire qu'ils sont inoffensifs: de nombreux sites de propagande djihadiste sur l'internet expliquent comment fabriquer des explosifs dans sa cuisine à partir de substances achetées au magasin du coin. C'est le cas d'un récent numéro du magazine Inspire, publié par Al-Qaïda dans la péninsule arabique.

Traités différemment

Rappelons que Mahdi El Jamali et Sabrine Djaermane, tous deux âgés de 18 ans, ont été arrêtés lundi car les autorités disaient craindre qu'ils commettent une «infraction terroriste», sans préciser si la menace visait le Canada ou l'étranger.

Les deux jeunes ont été arrêtés en vertu de l'article 810 du Code criminel, qui permet de traîner une personne devant un juge et de lui faire signer un engagement à garder la paix, lorsqu'il existe des raisons de croire qu'elle s'apprête à commettre un crime.

La même procédure a été utilisée envers deux autres Montréalais soupçonnés de préparer une infraction terroriste récemment, mais ceux-ci n'ont jamais été détenus. On leur a simplement demandé de se présenter au tribunal, où ils ont volontairement accepté de porter un bracelet électronique de surveillance, de remettre leur passeport et de ne contacter personne en Syrie, entre autres conditions.

Mahdi El Jamali et Sabrine Djaermane ont été traités beaucoup plus sévèrement: ils ont comparu menottes aux poings et la procureure de la poursuite fédérale spécialiste de l'antiterrorisme, Lyne Décarie, s'est opposée à leur mise en liberté pour l'instant, même s'ils ne sont accusés de rien. Ils doivent être de retour devant la cour lundi.

La Presse avait déjà révélé jeudi que les enquêteurs craignaient que les deux cégépiens quittent le pays pour rejoindre des djihadistes en Syrie. Mais l'inquiétude des policiers vient aussi des substances jugées suspectes qui ont été saisies et qu'un des deux élèves avait en sa possession, ont confirmé plusieurs sources à La Presse depuis.

Rappelons que sept jeunes Québécois ont déjà quitté le pays dans le but, selon la police, de gagner la Syrie. Plusieurs fréquentaient le collège de Maisonneuve. Comme Mahdi El Jamali, au moins quatre suivaient activement les enseignements du prédicateur Adil Charkaoui, qui poursuit actuellement le gouvernement fédéral pour l'avoir désigné comme un agent terroriste dormant.

Développements à venir

Policiers et procureurs de la Couronne discutent présentement de la preuve amassée contre les deux cégépiens et de ce qu'il faut en faire. Déjà mardi, la procureure Lyne Décarie avait confirmé que le dossier pourrait évoluer cette semaine et qu'il était possible que des accusations criminelles soient portées. Elle n'avait donné aucun détail sur la nature de ces accusations.

Joint par La Presse sur Facebook, un ami de Mahdi El Jamali a tenu à défendre la réputation du jeune homme, un grand passionné de soccer qui, selon lui, ne serait pas capable de participer au conflit sanglant qui déchire la Syrie.

«Jamais il n'aurait pensé à aller là-bas. C'était un sportif. Il a un grand coeur. Jamais il ne ferait ça à ses parents. Il n'a jamais changé ses fréquentations. Il était toujours au parc en train de jouer au soccer», dit-il.

Il souligne que le fait qu'El Jamali s'intéresse au centre islamique de Adil Charkaoui, comme d'autres jeunes déjà partis vers la Syrie, ne veut pas dire qu'il suivra leurs traces. «Le centre islamique Assahaba est populaire, c'est tout. Pas parce qu'il [en] fait la promo qu'il veut partir», explique l'ami.