Des associations qui luttent contre l'alcool au volant, de même que des experts en droit, ne s'expliquent pas pourquoi le chanteur Claude Dubois a pu éviter la prison alors que la défense et la Couronne s'étaient pourtant entendues sur une peine de 90 jours pour conduite avec les facultés affaiblies.

« Encore une fois, on envoie un très mauvais message, on dit que conduire avec les facultés affaiblies, ce n'est pas très grave. M. Dubois en est quand même à sa troisième condamnation », souligne Marie-Claude Morin, de l'association des Mères contre l'alcool au volant (MADD). M. Dubois avait jusqu'à 154 mg d'alcool dans le sang lors de son arrestation, en juillet dernier.

Mme Morin critique également le fait que le Code criminel ne prévoie pas d'accusations supplémentaires pour les conducteurs dont les enfants se trouvaient à bord du véhicule, comme c'était le cas pour M. Dubois. « Le juge peut considérer ces faits comme un facteur aggravant, mais ce n'est pas une accusation plus sérieuse, c'est laissé à la discrétion du juge », déplore-t-elle.

Inhabituel

Luc Simard, avocat criminaliste chez Cormier Simard, est surpris de son côté que le juge Gilles Garneau ait refusé l'entente entre la Couronne et la défense, car il jugeait les 90 jours de prison et la suspension de trois ans du permis de conduire trop sévères. M. Dubois a plutôt reçu une amende de 3000 $ et une suspension d'un an.

« Normalement, les tribunaux d'appel ont toujours dit que le juge doit accepter les ententes des procureurs, sauf si elles sont manifestement non indiquées », explique Me Simard. Le juge a même blagué en affirmant au sujet de la sévérité de l'entente : « Y a quelqu'un qui n'aime pas vos chansons ! »

« Quand un juge rejette une entente, la moindre des choses à laquelle on est en droit de s'attendre est une meilleure explication que la qualité des chansons de M. Dubois ! », lance Hubert Sacy, directeur général d'Éduc'alcool.

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales étudie la décision du juge, mais n'a pas encore décidé s'il comptait en interjeter appel. Comme la Couronne n'avait pas déposé d'avis de récidive (Dubois avait été inculpé en 1984 et 1994 pour les mêmes raisons), les peines minimales prévues dans le Code criminel ne s'appliquent pas.

Il n'est pas rare que la Couronne ne donne pas ces avis, ou qu'elle les donne puis les retire, si les antécédents remontent à plusieurs années, si l'accusé suit une thérapie pour combattre l'alcoolisme, si la preuve n'est pas si forte, etc., explique Me Simard.

« Mais si la Couronne avait su ce que le juge ferait, c'est évident qu'elle l'aurait donné, son avis de récidive. L'effet pervers est que la Couronne pourrait devenir plus réticente à retirer ces avis, car elle ne voudra pas prendre de risque », poursuit-il.