Justin Bourque a été formellement accusé vendredi d'avoir tué par balles trois agents de la GRC, en plus d'en avoir blessé deux autres.

L'homme de 24 ans, qui avait été arrêté sans offrir de résistance vers 0 h 10 dans la nuit de vendredi dans un secteur boisé de Moncton, après plus de 30 heures de recherche, doit maintenant faire face à trois chefs d'accusation pour meurtre et deux autres pour tentative de meurtre. Il aurait fait feu sur les cinq agents de la GRC mercredi soir, dans un quartier résidentiel de Moncton.

Il a comparu vendredi après-midi dans une salle bondée du palais de justice de Moncton, alors que d'importantes mesures de sécurité avaient été mises en place.

Bourque, les cheveux longs et la barbe en bataille, portait ce qui semblait être une combinaison d'hôpital verte. Il ne s'est pas exprimé, pas plus qu'il n'a affiché une émotion particulière, fixant le juge pendant les cinq minutes de l'audience.

Il doit revenir devant le tribunal le 3 juillet, la Couronne et la défense ayant réclamé un mois pour se préparer.

L'accusé n'était pas armé au moment de son arrestation, mais plusieurs armes se trouvaient sur les lieux, selon ce qu'a indiqué vendredi matin Marlene Snowman, porte-parole de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) au Nouveau-Brunswick.

La chasse à l'homme s'est terminée après près de 30 heures de recherche dans le nord-ouest de Moncton. Les résidants du secteur avaient reçu l'ordre de demeurer à l'intérieur et de verrouiller leurs portes.

Mme Snowman a dû prendre une pause pour refouler ses émotions en remerciant les résidants du secteur, vendredi, d'avoir laissé leurs lumières extérieures allumées, ce qui aurait aidé les policiers dans leurs recherches en soirée.

«Ces 30 heures ont été difficiles pour les policiers qui ont travaillé sans relâche pour y arriver», a-t-elle déclaré en conférence de presse.

Le commissaire adjoint Roger Brown, commandant divisionnaire de la GRC au Nouveau-Brunswick, a admis qu'il faudra du temps pour que le corps de police se remette de la perte des trois agents qui sont tombés sous les balles, mercredi soir.

Les victimes sont le gendarme Douglas James Larche, âgé de 40 ans, de Saint-Jean au Nouveau-Brunswick, le gendarme David Ross, âgé de 32 ans, originaire de Victoriaville au Québec ainsi que le constable Fabrice Georges Gevaudan, âgé de 45 ans, originaire de Boulogne-Billancourt en France.

Aucun détail n'a encore été dévoilé quant à leurs funérailles.

Les deux agents blessés sont Darlene Goguen et Eric Dubois.

La GRC avait précisé jeudi que l'un de ces deux agents avait obtenu son congé de l'hôpital, et que l'on ne craignait pas pour la vie de l'autre.

«Heureusement, la majorité des gens ne vivront jamais ce que nos agents ont vécu dans les derniers jours, a souligné M. Brown. Leur résilience est remarquable.»

M. Brown a ajouté que les membres de la GRC offriront leur appui aux familles des victimes.

«La prochaine étape, c'est le (soutien) pour les citoyens, dans la communauté de Moncton, dans la province du Nouveau-Brunswick et dans le Canada au complet. Pour les policiers, pour les familles, tout le monde va travailler ensemble dans le même but.»

Par ailleurs, la ville de Moncton a fait corps avec la GRC, vendredi soir, alors que des centaines de personnes ont participé à une vigie sous la pluie devant le quartier général de la police fédérale.

«Nous devons mettre en valeur ce qu'ils font», a déclaré Victor Babineau, originaire de la ville voisine de Dieppe. «Peut-être ne le faisons-nous pas suffisamment.»

Une file s'est spontanément formée alors que les gens faisaient la queue pour venir remercier deux agents en leur serrant la main. Pour Heather Russell, les sentiments étaient complexes à la vue de cette manifestation d'empathie.

«C'est une occasion très triste, mais vous devez également en être fier.»

Selon M. Brown, près de 300 agents ont participé à la chasse à l'homme.

De son côté, le caporal Danny Falls a dit que si les membres de la GRC étaient heureux d'apporter du soulagement aux citoyens, la police fédérale devait gérer une vaste gamme d'émotions.

«Ce fut bien entendu de longues journées, et nous avons subi de lourdes pertes. Il faudra un certain temps pour s'en remettre», a-t-il dit.

En point de presse, vendredi matin, le premier ministre du Nouveau-Brunswick, David Alward, a tenu à partager sa gratitude pour le travail des policiers au cours des derniers jours. Il se dit maintenant soulagé que tout soit terminé et a ajouté qu'il était maintenant temps d'entamer le processus de guérison et de deuil.

«Dans les 24 dernières heures, il y a eu un niveau d'inquiétude et de peur dans toute la communauté, a-t-il déclaré. Aujourd'hui, nous sommes tellement fiers du travail que les membres de la GRC ont fait, de leur courage, de leur professionnalisme, et nous voulons certainement leur dire un gros merci pour tout ce qu'ils ont fait dans les dernières heures.»

«Ça a été (un moment) très difficile, et j'ai le coeur blessé, maintenant, pour les familles et pour la communauté», a-t-il ajouté.

Une femme qui a vu l'homme de Moncton se faire arrêter devant sa résidence a confié avoir eu peur.

«Ils ont commencé à crier: »Sors, les mains en l'air!« et leurs armes étaient chargées», a raconté Michelle Thibodeau, qui est âgée de 21 ans.

«Environ cinq minutes plus tard, Justin s'est rendu et il a dit 'Je suis fait', puis ils l'ont arrêté et emmené devant chez moi où ils l'ont couché par terre.»

Linda Peacock, qui habite près du lieu de l'arrestation, s'est sentie soulagée après que le suspect se fut rendu.

«C'est bouleversant de savoir qu'il était si près de chez moi, a-t-elle reconnu. Je suis très heureuse qu'ils l'aient attrapé.»

À Victoriaville, au Québec, des proches du gendarme Dave Ross étaient toujours sous le choc de la tournure des événements. Le policier âgé de 32 ans était le père d'un enfant de 18 mois et sa conjointe doit accoucher de leur deuxième enfant en août ou en septembre.

En entrevue à La Presse Canadienne, sa cousine Lucinda Ross, lui a rendu un hommage bien senti. Elle a affirmé que son cousin, un policier maître-chien, était un passionné de son travail.

Pour sa part, la tante du défunt, Linda Ross, qui habite également à Victoriaville, cachait à peine sa colère soutenant que Dave ne serait peut-être pas mort si le tueur n'avait pas eu accès aussi facilement à des armes à feu. Elle a déclaré à La Presse Canadienne qu'elle espère que cette tragédie servira à relancer le débat sur le registre des armes à feu au Canada.

Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Steven Blaney, a salué la GRC pour sa bravoure au cours de la chasse à l'homme, pendant «les terribles circonstances vécues au cours des derniers jours».