Quand elle a appris qu'Alain Magloire avait été abattu, Élaine Langlois a été bouleversée. Jamais la conseillère en intervention à la Mission Old Brewery n'aurait pu penser que celui qui a été son client pendant deux semaines, en novembre dernier - un homme gentil, poli et pacifique - soit impliqué dans un incident violent et tombe sous les balles des policiers.

«Ça nous a bouleversés ici. Je m'explique mal comment on en est arrivé là. Je n'ai tellement pas perçu de violence chez cet homme-là...», dit-elle.

À la mi-novembre, Alain Magloire a été dirigé vers la Mission Old Brewery (MOB) par les urgences du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM). Il voulait reprendre sa vie en main.

Il a donc intégré le programme L'Étape, qui offre le gîte et le couvert aux sans-abri qui cherchent à sortir de la rue. Pendant deux semaines, Élaine Langlois l'a épaulé dans toutes ses démarches.

«Je parlais à quelqu'un qui était conscient, lucide. J'étais certaine qu'il était sur la bonne voie. Son séjour ici s'est fait sans la moindre violence, il n'était pas agressif. Ça s'est très bien passé. On avait un bon lien de confiance avec lui», raconte Mme Langlois.

«Il était paisible, charmant, instruit», ajoute Matthew Pearce, directeur de la MOB, qui l'a croisé à plusieurs reprises lors de son séjour.

Après deux semaines, Alain Magloire avait trouvé une chambre à louer et entrepris des démarches pour dénicher un emploi. «Il avait pris le temps de cheminer et il repartait plus outillé. Son départ s'est fait de façon très organisée. Il cherchait de l'aide quand il est arrivé ici et il en a eu», dit Mme Langlois.

Manque de suivi?

Que s'est-il passé entre le 2 décembre et le 3 février dans la vie d'Alain Magloire? Élaine Langlois ignore s'il bénéficiait des services de suivi intensif d'un centre de santé et services sociaux. «Je sais qu'il avait un suivi médical», se borne-t-elle à préciser.

Alain Magloire aurait-il pu être sauvé par un suivi plus serré? «Les recherches démontrent qu'on peut favoriser la réinsertion si on offre un soutien pendant un an à la sortie du refuge», souligne le directeur de la MOB, Matthew Pearce.

«Si on avait pu lui offrir ce soutien, c'est certain que ça aurait pu être favorable. Mais on n'a qu'une seule conseillère qui suit les clients à domicile. On n'a pas les moyens de faire plus», dit-il.

«Cette tragédie, c'est un échec pour la police, mais aussi pour le système de santé.»

Quelques jours après son arrivée, Alain Magloire a passé une autre entrevue, cette fois pour le programme PRISM, géré par le CHUM sur les lieux mêmes de la Mission Old Brewery. Ce programme est destiné aux sans-abri qui souffrent de troubles graves de santé mentale.

«On lui a offert d'intégrer notre programme parce qu'il correspondait parfaitement au type de clientèle qu'on cherche à avoir. J'aurais bien voulu l'avoir dans mon service», explique le psychiatre Olivier Farmer. Alain Magloire a finalement décliné l'offre des psychiatres, préférant poursuivre ses démarches avec L'Étape.

«Il s'exprimait bien. Il reconnaissait qu'il avait besoin d'un suivi en santé mentale. Est-ce qu'on aurait pu l'aider s'il avait accepté de venir chez nous? Peut-être que oui. Mais peut-être que non», dit le Dr Farmer.

Alain Magloire était connu aux urgences du CHUM, précise David Gaulin, cogestionnaire en psychiatrie, santé mentale et médecine des toxicomanies du CHUM. «Mais ce n'était pas un haut consommateur, de ceux qui aboutissent à l'urgence à tout bout de champ.»