N'y avait-il pas de solutions moins radicales? Et s'il fallait tirer, fallait-il le faire nécessairement en plein thorax?

Ce sont là quelques-unes des nombreuses questions qui se posent après la mort, hier, d'un forcené près de la gare d'autocars, au centre-ville de Montréal.

Michel Martin, inspecteur à la retraite de la Sûreté du Québec, note qu'il faudra encore beaucoup de temps avant que l'on sache ce qui est réellement arrivé et pour qu'une chronologie des événements puisse être établie.

Chose certaine, hier matin, ce n'est pas une seule vie qui a été fauchée, rappelle-t-il, mais bien deux. «Le policier qui a tiré sera hanté par ce souvenir pour le reste de sa vie», dit-il.

À son avis, si les policiers se sentaient menacés, ils devaient tirer, et tirer, comme on le leur enseigne, «au centre-masse», c'est-à-dire vers le tronc de la personne.

Tirer dans les jambes ou à la main pour désarmer la personne, ça ne suffit pas, explique-t-il, parce que ça demande une précision qu'il est difficile d'atteindre dans pareille situation dramatique, quand tout va si vite.

Armes intermédiaires

L'avocat Alain Arsenault, qui se spécialise dans les questions d'intervention policière et qui défendait le jeune sur qui on a aussi tiré lors de l'affaire Villanueva, relève que toutes les interventions ne se terminent pas de façon aussi dramatique et que les policiers peuvent utiliser des armes intermédiaires - poivre de Cayenne, bâton télescopique - pour éviter pareil dénouement.

Pourquoi ne l'ont-ils pas fait dans ce cas-ci?, demande Me Arsenault.

Reste qu'il faudrait à un agent beaucoup de sang-froid pour laisser un individu manifestement très agressif s'approcher assez près de lui pour utiliser certaines de ces armes intermédiaires, note-t-on. «Ça fait partie des risques du métier, répond Me Arsenault. Dans pareille situation, moi, je ne saurais pas quoi faire. Mais un policier qui est formé pour faire ce travail doit, lui, savoir affronter le danger.»

Et s'il y a nécessité de tirer, Me Arsenault juge que le fait de tirer dans les jambes peut aussi être très efficace, surtout que ce genre de tir se fait de façon assez rapprochée. Le problème, dénonce-t-il, c'est cette pratique institutionnalisée et enseignée à l'école qui veut que l'on doive toujours viser le tronc.

Des doutes

Céline Bellot, professeure à l'École de service social de l'Université de Montréal, doute qu'on sache un jour ce qui s'est réellement passé. Contrairement à l'Ontario, où les enquêtes sont envoyées à un bureau totalement indépendant, au Québec, il reviendra à la Sûreté du Québec de faire la lumière sur ce drame. Dans pareilles conditions, il y a toujours le risque, rappelle-t-elle, qu'une certaine collégialité entre en jeu et empêche les policiers de tirer les leçons qui s'imposent.

Des enquêtes du coroner, comme celle sur l'affaire Villanueva, viennent nous éclairer, conclut Mme Bellot, «mais elles n'ont pas le même poids sur le travail policier».