Benoit Roberge croit que sa vie et celle des membres de sa famille seraient en danger si le motard René Charlebois était toujours vivant.

L'ancien enquêteur-vedette du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et expert des motards a fait cette déclaration, mardi, lors de son audience devant les commissaires aux libérations conditionnelles.

« J'ai ma famille. Je suis en santé. Mais connaissant l'individu et ses antécédents, la vie de ma famille serait en danger à long terme si la personne était encore vivante et était retournée au pénitencier. Mais aujourd'hui, je crois malgré tout que le mieux aurait été de demander de l'aide et de dénoncer la situation », a répondu Roberge à une question d'un commissaire sur les impacts de son arrestation sur sa vie.

Un peu voûté, s'exprimant avec transparence, utilisant parfois des propos directement sortis de séances de thérapie, l'ancien policier de 54 ans a expliqué « l'erreur de cadet et le dérapage » qui l'ont mené à vendre de l'information au défunt Hells Angels, un crime qu'il a qualifié « d'abominable ».

Il a raconté que le fait que son employeur l'ait transféré dans une autre section en 2004 a affecté son ego et causé chez lui un traumatisme. C'était un premier pas. Lorsque René Charlebois, avec lequel il entretenait une relation depuis un certain temps, lui a annoncé qu'il l'avait enregistré, il s'est senti coincé.

« J'ai eu peur de perdre ma réputation et ma future job à ma retraite. Au lieu d'affronter la réalité, je me suis protégé en disant : "Je prends une chance". J'étais peut-être plus vulnérable avec ma retraite. J'ai oublié que je jouais dans la Ligue nationale, dans un milieu très dangereux », a affirmé Benoit Roberge.

L'ancien policier a admis que les informations qu'il a vendues ont pu « bousiller » des enquêtes importantes. Il a aussi avoué avoir fait d'autres gestes à l'encontre de la déontologie dans le passé.

TRICHER POUR GAGNER

« Notre moralité devient élastique pour régler des problèmes majeurs. On étire nos droits et nos pouvoirs. Je n'aurais jamais dû traverser la ligne ou étirer l'élasticité de ma morale. Je n'aurais jamais dû embarquer dans cette culture, mais on se justifie par l'ampleur du crime et du domaine dans lequel on travaille. J'ai appris à tricher un peu comme les athlètes qui se dopent. C'était l'obsession du but, tricher pour gagner », a-t-il ajouté.

Roberge croit que le mandat des enquêteurs qui contrôlent des sources devrait être limité dans le temps, que ceux-ci devraient avoir un soutien psychologique et qu'une plus grande formation devrait leur être donnée, notamment sur la moralité.

Même si un commissaire a dit que les propos de Benoit Roberge étaient parfois davantage justificatifs qu'explicatifs, la commission a accepté que l'ancien policier retourne à la maison, en raison « de son cheminement important et de sa capacité à reconnaître sa responsabilité ». En revanche, il devra continuer à effectuer du bénévolat à demi temps.

Les plans d'avenir de l'ex-policier ont fait l'objet d'un huis clos à l'audience. Toutefois, selon certaines informations, Roberge voudrait s'occuper de membres de sa famille qui sont malades et éventuellement donner des conférences ou des formations pour éviter à d'autres ce qui lui est arrivé.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l'adresse postale de La Presse.

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D'AUTRES CITATIONS DE BENOIT ROBERGE 

« Je n'ai jamais nié qu'il y avait un aspect d'appât du gain, mais le crime n'a pas été fait en fonction de ça. L'argent était secondaire. J'avais surtout peur de perdre ma réputation. »

« Je ne veux pas parler en mal contre le SPVM et la police. Il y a une culture qui s'est développée et qui était même valorisée. Mais pas au bout où je suis allé, il y a des limites à ne pas franchir. »

« Les policiers qui sont dans ce domaine, ça devient obsessif. On a un pouvoir, mais on l'oublie. Notre réalité est élastique, mais on ne le réalise pas. On est convaincu de faire le mal pour faire le bien. »

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L'AFFAIRE ROBERGE-CHARLEBOIS 

14 septembre 2013: René Charlebois s'évade d'un pénitencier à sécurité minimum de Laval.

26 septembre 2013: Le motard se suicide dans un chalet de la région de Sorel. On l'ignore à ce moment-là, mais il a laissé des testaments vidéo et des conversations enregistrées qui incriminent le policier Benoit Roberge.

5 octobre 2013: Véritable bombe sur la scène policière. Benoit Roberge est arrêté pour avoir vendu des informations à René Charlebois.

13 mars 2014: Benoit Roberge plaide coupable à des chefs de gangstérisme et d'abus de confiance.

4 avril 2014: Benoit Roberge est condamné à huit ans de pénitencier.

23 août 2016: L'ex-policier obtient une semi-liberté en maison de transition.

16 mars 2017: La semi-liberté de Benoit Roberge est prolongée de deux mois.

16 mai 2017: Benoit Roberge obtient sa libération conditionnelle totale.