Un ex-comptable condamné il y a un an à passer six ans et demi derrière les barreaux dans une affaire de fraude devra rester 15 mois de plus au pénitencier. Bernard Ratelle vient de reconnaître avoir utilisé l'identité de près d'une centaine de sans-abri et d'ex-détenus pour encaisser frauduleusement des remboursements d'impôt.

De 2011 à 2013, Bernard Ratelle a offert gratuitement ses services de comptable à une maison d'hébergement de Montréal accueillant des itinérants et des ex-détenus. Ces établissements recourent en effet fréquemment à des bénévoles pour aider les sans-abri à faire leurs déclarations de revenus. En régularisant leur situation, les itinérants peuvent non seulement obtenir certains remboursements, mais aussi devenir admissibles à un logement social.

Voilà, Bernard Ratelle en a profité pour obtenir les renseignements personnels de 96 personnes vulnérables et ensuite produire de fausses déclarations de revenus à leur nom. Selon l'enquête, il a ainsi pu empocher frauduleusement pour 76 000 $ en remboursements destinés à des sans-abri ou à des ex-détenus.

Des démunis ciblés

Cette fraude dégoûte les défenseurs des droits des itinérants. «C'est vraiment déplorable. On parle de personnes très démunies, qui n'ont pas beaucoup de moyens. Ce ne sont peut-être pas de gros montants [800 $ en moyenne par personne], mais pour ces gens, les remboursements d'impôt peuvent faire une grosse différence», dit Marjolaine Despars, coordonnatrice adjointe du Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal.

Cette fraude peut être d'autant plus dommageable qu'il peut être très difficile pour des sans-abri de régulariser leur situation avec le gouvernement, ajoute-t-elle. «Ces personnes ont fait confiance à cet individu, et il a trahi leur confiance», se désole Marjolaine Despars.

Un autre stratagème 

Outre ces fausses déclarations faites au nom de démunis, Bernard Ratelle a reconnu dans cette affaire avoir aidé deux entreprises à s'approprier les retenues à la source de leurs employés. L'ex-comptable n'était pas seul dans cette affaire. Un coaccusé, Sylvain Dion, a aussi reconnu avoir perçu des montants de taxes sans les avoir remis à Revenu Québec. Ce dernier, qui en était à sa première condamnation, devra payer 36 000 $ en amendes.

Fait particulier, Revenu Québec souligne que Bernard Ratelle a mis en place ces stratagèmes frauduleux «alors qu'il savait qu'il faisait l'objet d'une enquête» dans une autre affaire de fraude.

Un comptable «créatif» bien connu des policiers

En raison de ses pratiques de «comptabilité créative», Bernard Ratelle est quelqu'un de bien connu des milieux de lutte contre la fraude. En mars 2016, l'homme a été condamné à 78 mois de prison après avoir été reconnu coupable dans une vaste affaire de fraude qui aurait fait perdre 11 millions au gouvernement, de 2008 à 2010.

Fait à souligner, une partie des faits qui lui étaient reprochés à l'époque s'était produite alors qu'il se trouvait déjà derrière les barreaux... pour une autre fraude fiscale. La preuve indique qu'il avait continué à gérer son entreprise depuis la prison, où il purgeait une peine de 12 mois.

Un dossier disciplinaire chargé

Le dossier disciplinaire de Bernard Ratelle devant l'Ordre des comptables agréés est aussi éloquent. Comptable depuis 1975, l'homme de 64 ans a fait l'objet de mesures disciplinaires en 1985 et en 1986 pour ses pratiques. Puis en 1991, il a été réprimandé par son ordre professionnel après avoir été condamné pour avoir conseillé à un avocat de commettre une fraude de 2000 $.

Bernard Ratelle dit avoir cessé de travailler comme comptable en 1999, mais il a néanmoins continué à exercer la profession. Le syndic de l'Ordre a d'ailleurs décidé en 2014 de porter contre lui pas moins de 38 chefs à la suite d'une condamnation criminelle survenue en 2006 pour des faits couvrant les années 1994 à 1997. L'homme a alors vu son permis de comptable agréé révoqué de façon définitive.

Peine supplémentaire

Devant la gravité de ses gestes et ses lourds antécédents, le juge appelé à trancher sur ses plus récents stratagèmes auprès des sans-abri et des ex-détenus a ainsi décidé de condamner Bernard Ratelle à purger 15 mois de prison. Cette peine viendra s'ajouter aux 78 mois derrière les barreaux qu'il purge depuis mars 2016.

L'homme de 64 ans devra aussi payer une amende de 170 000 $, qui vient s'ajouter à une autre amende de 900 000 $ reçue en avril 2016... dans une autre affaire de fraude.

Photo la presse

Bernard Ratelle

Le parcours de Bernard Ratelle

• 1975 : Devient comptable agréé.

• 1985 et 1986 : Fait l'objet de mesures disciplinaires de la part de l'Ordre des comptables agréés en raison de ses pratiques.

• 1991 : Reconnu coupable d'une fraude de 2000 $, il fait l'objet d'une réprimande de la part de son ordre professionnel.

• 2006 : Se reconnaît coupable de plusieurs fraudes couvrant les années 1994 à 1997.

• 2014 : Est radié définitivement de l'Ordre des comptables agréés à la suite de la condamnation de 2006.

• Mars 2016 : Condamné à 78 mois d'emprisonnement pour une fraude fiscale évaluée à 11 millions s'étant déroulée de 2008 à 2010.

• Avril 2016 : Condamné à une peine concurrente de 9 mois de prison (donc purgée en même temps que ses 78 mois) et 900 000 $ d'amendes pour une fraude faite de 2000 à 2005.

• Mars 2017 : Condamné à 15 mois de prison et 170 000 $ d'amendes notamment pour un stratagème mené de 2011 à 2013 auprès de 96 itinérants et ex-détenus.