L'homme touché par les patrouilleurs du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) au centre-ville dans la nuit du 31 décembre est l'un des principaux suspects dans l'enquête visant à élucider le meurtre de la gérante de la succursale de la SAQ de Baie-D'Urfé, Hélène Leduc, commis en octobre 2010, a appris La Presse, de plusieurs sources policières.

L'affaire avait soulevé l'indignation à l'époque et provoqué le déclenchement d'une enquête d'envergure. Mme Leduc avait été atteinte d'une balle à la nuque lors d'un vol, le 18 octobre 2010. Elle était devenue tétraplégique et s'est éteinte en janvier 2015. La police a conclu que la femme était morte des suites de ses blessures et elle a converti l'enquête de tentative de meurtre en enquête de meurtre.

Dans la nuit du 30 au 31 décembre dernier, l'un des hommes soupçonnés de ce crime sordide a refait surface. Vers 3 h, des patrouilleurs du SPVM sont intervenus pour une bagarre dans un bar, à l'angle de la rue Sainte-Catherine et du boulevard Saint-Laurent. Lors de l'intervention, un homme de 24 ans a sorti une arme et tiré plusieurs fois en direction des policiers. Ceux-ci ont aussitôt répliqué et atteint le suspect de plusieurs coups de feu. Aux dernières nouvelles, l'homme se trouve toujours dans un état critique. C'est le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) qui se penche sur cette affaire qui implique des policiers.

PISTOLET DANS LA BOUCHE

L'homme blessé par les policiers n'est pas seulement connu pour son rôle présumé dans les événements qui ont éprouvé la famille Leduc. Il est considéré comme violent et traîne déjà un lourd passé judiciaire malgré son jeune âge.

À peu près à l'époque où Mme Leduc a été grièvement touchée en octobre 2010, il a été impliqué dans une agression lors de laquelle un jeune homme s'est fait tirer une balle dans la bouche lors d'une fête d'Halloween à Hudson. En poursuivant sa trajectoire, la balle a blessé deux autres personnes. En décembre 2014, l'homme a reconnu son implication et a été condamné à six ans pour ce geste, mais une fois la détention préventive soustraite, il ne lui restait que 23 mois à purger.

PAS D'ENQUÊTE, FAUTE DE RESSOURCES

Selon nos sources, le même individu fait également depuis le printemps dernier l'objet d'une enquête pour une tentative de meurtre commise sur l'avenue du Musée, le 30 avril 2016. D'après nos informations, la victime revenait vers sa voiture lorsqu'un véhicule a ralenti à sa hauteur et que l'un de ses occupants l'a atteinte de coups de feu. Une dispute qui avait commencé dans un bar serait également à l'origine de cette affaire.

Selon des sources, les enquêteurs auraient demandé davantage de ressources et de moyens pour enquêter sur le suspect à la suite de la nouvelle tentative de meurtre d'avril dernier, mais leurs demandes seraient restées lettre morte. Ces sources montrent du doigt la restructuration qui a touché les services d'enquête des quatre régions du SPVM en 2016.

Un média est allé plus loin en affirmant que des « plans d'enquête », dont l'un de 10 pages, auraient été soumis à la direction en avril et septembre pour que le suspect soit l'objet d'une enquête, mais que ceux-ci n'ont pas été autorisés.

« Nous n'avons jamais refusé de plans d'enquête dans cette affaire. Poser des questions et demander des compléments d'enquête, ce n'est pas refuser les plans. »

- Didier Deramond, directeur adjoint du SPVM 

« Notre priorité, ce sont et ce seront toujours les crimes avec violence. Nous avons fait des changements dans nos façons de mener les enquêtes et cela ne fait pas l'affaire de tout le monde », a ajouté M. Deramond.

Le président de la Fraternité des policiers et policières de Montréal, Yves Francoeur, n'a pas voulu commenter le dossier. Mais en entrevue à TVA plus tôt cette semaine, il a déclaré que les patrouilleurs du PDQ 21, qui sont intervenus dans le bar la nuit du 31 décembre, et les enquêteurs « étaient en furie » vraisemblablement parce que tous les moyens n'avaient pas été mis de l'avant pour mettre le suspect hors d'état de nuire.

JAMAIS ACCUSÉS

Après l'affaire de la succursale de la SAQ à Baie-D'Urfé en octobre 2010, les enquêteurs de la région ouest du SPVM n'avaient pas ménagé leurs efforts pour retrouver les auteurs du crime, utilisant tous les moyens à leur disposition pour y parvenir.

Une vidéo des suspects arrivant à la succursale et la quittant et le portrait-robot de l'un d'eux avaient été diffusés. En décembre 2011, trois jeunes hommes avaient été arrêtés puis relâchés sans mise en accusation.

Un autre jeune homme soupçonné d'être impliqué dans les événements qui ont mené à la mort de Mme Leduc a été condamné à plus de cinq ans de pénitencier en décembre 2014 pour avoir déchargé une arme à feu et pour possession d'arme. Lui non plus n'a jamais été accusé dans l'affaire de la SAQ.

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Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l'adresse postale de La Presse.