À la suite de la libération totale de 18 de leurs membres décrétée par la Cour d'appel hier, les Hells Angels pourraient bientôt réactiver leurs sections de Sherbrooke et de Québec inactives depuis sept ans, croit la police.

Ces deux sections sont « gelées » depuis l'opération SharQc d'avril 2009, car elles comptent moins de six membres en liberté - soumis à aucune condition judiciaire -, comme le veulent les règlements de l'organisation.

Or hier, sur les 18 motards dont la peine a pris fin, sept sont de la section de Sherbrooke et six, de celle de Québec.

Depuis déjà plusieurs mois, des sources policières considèrent comme imminente la réouverture de ces deux sections.

Si les Hells Angels réactivent leurs deux dernières sections, on peut s'attendre à ce qu'ils le fassent - ou l'affichent - lors d'un événement particulier ou un anniversaire, comme cela a déjà été le cas par le passé.

Fait à noter, une fois que les cinq sections seront actives, si c'est le cas, la lutte contre les Hells Angels - que la police espérait éradiquer avec SharQc - reviendrait à la case départ, d'autant plus que l'organisation compte de nouveau sur plusieurs clubs subalternes ou sympathisants très actifs, comme au plus fort des années 90.

Selon la Sûreté du Québec, il y avait en juillet dernier 72 membres en règle des Hells Angels au Québec, dont 44 en liberté totale. Ce dernier chiffre frisera maintenant les 60 avec les libérations d'hier.

LE REMÈDE

Hier, la Cour d'appel a donné raison aux 35 Hells Angels qui lui avaient présenté une requête en retrait de plaidoyer à la suite de l'arrêt des procédures décrété par le juge James L. Brunton, de la Cour supérieure, « pour un grave abus de procédures » de la poursuite dans le procès de cinq motards de Sherbrooke, le 9 octobre 2015.

Par ce « grave abus de procédure », le magistrat reprochait à la poursuite d'avoir caché à la défense de la preuve qu'elle réclamait depuis longtemps et qui venait discréditer une partie du témoignage du témoin-vedette Sylvain Boulanger.

Les 35 motards, qui avaient plaidé coupable à un chef réduit de complot de meurtre et avaient reçu des peines variant entre 25 et 12 ans avant la fin abrupte du procès de Sherbrooke, se sont adressés à la Cour d'appel, arguant que leur reconnaissance de culpabilité n'avait pas été faite en toute connaissance de cause et était viciée.

La Cour d'appel a considéré qu'une réparation s'imposait, mais a rejeté un arrêt des procédures et un nouveau procès. Après une séance de facilitation, elle a entériné une suggestion commune de la poursuite et de la défense : une réduction de peine de huit ans pour les condamnés ayant reçu les plus longues peines, de sept ans pour les peines moyennes et de six ans pour les plus courtes.

« La mesure est en effet conforme à l'ordre public et à l'intérêt de la justice. Ainsi les peines des requérants sont réduites mais les plaidoyers et la reconnaissance de culpabilité qu'ils impliquent restent et ne sont pas effacés des registres, avec les conséquences qui s'en suivent », écrivent les juges de la Cour d'appel dans une décision de 16 pages.

« La poursuite est satisfaite que les 35 condamnations soient maintenues. La décision entérine la suggestion commune proposée par les parties », a affirmé de son côté Me Jean-Pascal Boucher, porte-parole de la Direction des poursuites criminelles et pénales.

Outre les 18 motards libérés hier, la décision rendue hier fait en sorte que certains autres obtiendront leur libération dans quelques semaines et que d'autres encore deviendront admissibles à une libération conditionnelle.

Rappelons par ailleurs que la directrice des poursuites criminelles et pénales du Québec, Me Annick Murphy, a ordonné la tenue d'une enquête administrative sur la gestion du superprocès SharQc et sa fin abrupte. Elle vient d'accorder une autre prolongation au président du comité d'examen, Me Michel Bouchard, pour lui permettre de terminer son rapport.

Pour joindre Daniel Renaud en toute confidentialité, composez le 514 285-7000, poste 4918, ou écrivez à l'adresse postale de La Presse.

Le procès SharQc en quelques dates

15 avril 2009

La Sûreté du Québec mène l'opération SharQc, et 156 membres des Hells Angels et de leurs relations sont accusés de 29 chefs de complot, meurtres, trafic de stupéfiants et gangstérisme.

31 mai 2011

Après deux ans de procédures, le juge James L. Brunton, de la Cour supérieure, annule les accusations de trafic de stupéfiants et de gangstérisme en raison des délais déraisonnables, ce qui se traduit par la libération de 31 accusés.

30 août 2013

27 accusés plaident coupable à l'accusation de complot général pour meurtre. D'autres feront de même dans les mois suivants.

5 octobre 2013

Le policier-vedette Benoit Roberge est arrêté et accusé d'avoir vendu de l'information aux Hells Angels.

18 décembre 2014

Me Madeleine Giauque, générale de la lutte contre les motards, quitte l'équipe de procureurs des superprocès SharQc pour la direction du futur Bureau des enquêtes indépendantes.

3 août 2015

Ouverture du procès de cinq membres de la section de Sherbrooke, six ans et quatre mois après la frappe policière, avec neuf accusés.

9 octobre 2015

Le juge Brunton décrète un arrêt des procédures.

6 novembre 2015

35 Hells Angels déposent une requête en Cour d'appel pour retirer leur reconnaissance de culpabilité.

31 août 2016

La Cour d'appel réduit sensiblement la peine de 35 Hells Angels condamnés.

Janvier 2017

Le procès d'un dernier accusé doit avoir lieu en anglais, à moins d'un autre rebondissement.

Huit motards sont toujours en cavale depuis l'opération SharQc menée le 15 avril 2009.

Casper Ouimet passera moins de temps à l'ombre

Normand Ouimet, alias Casper, est l'un des autres motards qui bénéficient de la décision de la Cour d'appel d'hier. En effet, la peine de 18 ans et trois mois de l'influent Hells Angels de 47 ans a été réduite de six ans, passant désormais à 12 ans et trois mois. Ouimet sera donc admissible à la libération conditionnelle dans un peu plus de six ans.

La Presse

Normand Ouimet, alias Casper.

Les Hells Angels dont la peine a pris fin hier...

Georges Beaulieu (Sherbrooke)

Peine réduite de six ans

Sylvain Chalifoux (Montréal)

Peine réduite de six ans

Claude Demers (Québec)

Peine réduite de six ans

Alain Durand (South)

Peine réduite de six ans

Jacques Émond (Sherbrooke)

Peine réduite de six ans

Simon Forgues (Québec)

Peine réduite de six ans

Benoit Frenette (Montréal)

Peine réduite de six ans

Sylvain Gagné (Québec)

Peine réduite de six ans

Déjà en liberté provisoire

Martin Gamache (Québec)

Peine réduite de six ans

Yves Leduc (South)

Peine réduite de six ans

Déjà en libération conditionnelle

Richard Ouellet (Sherbrooke)

Peine réduite de six ans

Pierre Ouellette (Sherbrooke)

Peine réduite de six ans

Marc Pelletier (Québec)

Peine réduite de six ans

Jean-Damien Perron (ex-membre)

Peine réduite de six ans

Patrick Pruneau (Québec)

Peine réduite de six ans

Yvon Rodrigue (Sherbrooke)

Peine réduite de six ans

Pierre Rodrigue (Sherbrooke)

Peine réduite de six ans

Daniel Royer (retraité, Trois-Rivières)

Peine réduite de six ans

Déjà en liberté provisoire

Normand Théorêt (Sherbrooke)

Peine réduite de six ans

Sherbrooke : 7

Québec : 6

Montréal : 2

South : 2

Trois-Rivières : 1