En 2010, quand Nicholas Fontanelli apprend que sa copine Samantha Higgins est enceinte, il disjoncte. Il commet alors un vol en braquant un pistolet Taser sur une victime choisie au hasard. Jugé « vulnérable », il purgera sa peine dans la communauté. Hier, il a été accusé du meurtre prémédité de sa fiancée, dont il aurait mis 20 heures à souligner la disparition. La grand-mère de la victime, rencontrée par La Presse, trace quant à elle le portrait d'un homme «contrôlant et jaloux».

«J'ai appris à distinguer le bien du mal.»

La scène se déroule le 11 décembre 2013 dans la salle 4.07 du palais de justice de Montréal.

Nous sommes un an et demi avant le meurtre de Samantha Higgins, pour lequel il est aujourd'hui accusé.

Nicholas Fontanelli - que tout le monde appelle Nick - tente de convaincre le tribunal qu'il a eu sa leçon.

Il vient alors de plaider coupable à des accusations de vol, de voie de fait, de possession d'une arme prohibée et de port d'arme dans un dessein dangereux.

Le jeune homme répond d'une voix douce, presque enfantine, aux questions de la procureure de la poursuite. Cette dernière parle fort, car l'accusé a aussi des problèmes auditifs.

Trois ans plus tôt, le 30 décembre 2010, Fontanelli était à bord d'un autobus de la Société de transport de Montréal en compagnie de deux amis de 17 ans. Le trio a décidé de suivre un homme qui débarquait à l'arrêt suivant pour lui faire les poches.

Les ados se sont chargés d'agripper la victime et de la fouiller, alors que Fontanelli a braqué son pistolet Taser. Le trio lui a dérobé 60$, un cellulaire et un iPod.

À l'époque, Fontanelli - âgé de 18 ans à peine - venait d'apprendre que sa copine Samantha Higgins était enceinte. La nouvelle l'avait fait disjoncter.

«Et vous avez paniqué?», lui demande la procureure.

«Oui», répond l'accusé d'un ton mal assuré.

Le jour du vol, Fontanelli avait aussi une arme à air comprimé (Pellet gun) en sa possession. Après avoir été détroussée, la victime s'est empressée de porter plainte à la police. Le trio a été arrêté le jour même. Les policiers ont trouvé le pistolet Taser dans le sac à dos de Fontanelli.

«Pouvez-vous expliquer au tribunal ce que vous avez appris en étant accusé d'un crime très grave? Avez-vous appris quelque chose de tout ça?», poursuit la procureure de la Couronne.

«Bien sûr. J'ai appris que... [l'accusé prend une pause avant de poursuivre] tu dois mieux réfléchir avant de faire quelque chose. Ça s'applique à toutes les situations, même quand je m'occupe de ma fille, je dois penser aux conséquences de mes gestes avant d'agir, bien soupeser ce qui est bon et ce qui est mal et baser mes décisions là-dessus», explique le jeune homme au juge Claude Parent, chargé de lui imposer sa peine.

«J'ai appris à distinguer le bien du mal», répète le jeune homme.

Un jeune influençable

En 2013, Fontanelli est décrit au tribunal comme un jeune homme influençable aux prises avec des problèmes de santé mentale qui ont fait l'objet de plusieurs diagnostics.

«Même s'il était le plus vieux du groupe, on ne peut pas dire qu'il était le plus vieux mentalement et moralement», explique alors au tribunal son avocat, Me Jean-Marc Tremblay. L'accusé a aussi de graves difficultés d'apprentissage.

À l'époque, son avocat n'a pas précisé les problèmes de santé mentale dont il souffre.

Sa vulnérabilité semble faire consensus. «La position de la poursuite est à l'effet que d'envoyer un jeune homme comme lui en prison n'est pas la bonne solution», indique au juge la procureure de la Couronne, Catherine Hébert.

Les parties s'entendent pour suggérer une peine de deux ans moins un jour à purger dans la communauté. Il est assigné à résidence 24 heures sur 24 durant la première année de sa condamnation, sauf pour travailler ou étudier.

Après son arrestation, Fontanelli a tout de même réussi à terminer son secondaire et à démarrer une petite entreprise d'entretien paysager. «Il est capable d'être structuré», fait valoir son avocat, avant d'ajouter qu'«il est sur la voie de la réhabilitation».

Une reprise en main

En décembre 2013, lorsqu'il reçoit sa peine, Fontanelli s'est repris en main. Il ne rejette plus son enfant. Au contraire, c'est lui qui s'occupe de sa fille de 2 ans à temps plein.

Le juge suit la recommandation des parties et lui impose une peine à purger dans la communauté, suivie de deux ans de probation. Avant de le laisser partir, le juge Parent lui souhaite: «Bonne chance».

«Merci», répond le jeune accusé d'un ton poli.

Le portrait d'un jeune homme influençable qui a fait une erreur de parcours dressé à la cour ce jour-là semble à des lieux du conjoint hyper contrôlant décrit par la famille aux policiers au moment de la disparition de Samantha Higgins.

Aujourd'hui accusé du crime le plus grave du Code criminel - le meurtre prémédité -, Nicholas Fontanelli a demandé à Me Jean-Marc Tremblay de le représenter de nouveau.

L'avocat était sonné lorsqu'il a reçu l'appel de son ancien client, toujours sous le coup d'une ordonnance de probation.

«Je suis hyper étonné, a dit Me Tremblay à La Presse en marge de la comparution d'hier. Je ne pensais jamais entendre parler de lui à nouveau. Il semblait s'être repris en main. Pour vous dire la vérité, je n'aurais jamais pensé qu'il pouvait être accusé d'une affaire de même.»

Dans la ligne de mire des policiers

Nicholas Fontanelli a laissé s'écouler environ 20 heures avant de signaler la disparition de sa conjointe, Samantha Higgins, à la police, ce qui a fait sourciller les enquêteurs dès le départ, a appris La Presse.



Une déclaration d'une dizaine de lignes

Il était environ 21 h le 7 juillet lorsque Nicholas Fontanelli et un membre de la famille de Samantha Higgins se seraient déplacés dans un poste de police pour signaler la disparition de la jeune femme de 22 ans, selon nos informations. Cette dernière a été vue pour la dernière fois à 1 h 30 du matin, la nuit précédente, par des amis avec qui elle se trouvait. Fontanelli a rédigé un rapport de disparition d'à peine une dizaine de lignes dans lequel il a déclaré que Samantha Higgins était partie vers 19 h le soir du 6 juillet pour consommer quelques verres chez une amie. Selon lui, la jeune femme avait bu quelques verres avant de partir. Toujours selon la déclaration du plaignant devenu aujourd'hui suspect, elle aurait appelé vers 21 h pour dire qu'elle se trouvait encore chez cette amie. Elle aurait ensuite rappelé vers 1 h dans la nuit pour dire qu'elle avait du plaisir et qu'elle allait rester sur place. Fontanelli a alors cru qu'elle passerait la nuit là, a-t-il écrit.

Une séparation à l'horizon

Dans la journée du 7 juillet, des amis de Samantha Higgins ont envoyé des textos à cette dernière pour savoir si tout allait bien. Ils ont reçu des réponses dans un style auquel la jeune femme ne les avait pas habitués. Les enquêteurs ont trouvé la situation singulière dès le début, d'autant qu'une personne proche de la disparue leur avait laissé entendre qu'une séparation imminente ou un conflit pourrait être lié à la disparition. L'entourage de la victime a dit aux enquêteurs que le suspect contrôlait la vie de la jeune femme. D'après nos informations, l'attitude du suspect était correcte avec les policiers du SPVM tant qu'il a été question d'une simple disparition. Mais elle a complètement changé lorsque le dossier a été transféré aux enquêteurs des Crimes contre la personne de la Sûreté du Québec et qu'il a commencé à être question d'un meurtre.

Assassinée à Montréal

Selon l'acte d'accusation, le meurtre de Samantha Higgins a été commis à Montréal dans les heures suivant sa disparition, dans la nuit du 6 au 7 juillet. La Sûreté du Québec n'a pas voulu révéler où le meurtre avait été commis, mais ses techniciens en scène de crime, revêtus de leur combinaison, ont passé des heures dans la résidence du jeune couple, rue David-Boyer du secteur de LaSalle, lundi soir, où ils ont notamment effectué des tests au luminol servant à déceler les traces et projections de sang. On ignore la raison exacte pour laquelle le suspect aurait démembré le corps de la victime après le meurtre, mais des sources croient qu'il était ainsi tout simplement plus facile de transporter le cadavre sans attirer l'attention et de s'en débarrasser.

La comparution

Nicholas Fontanelli a été formellement accusé, hier, du meurtre prémédité de Samantha Higgins, en plus d'être inculpé d'outrage à un cadavre. Vêtu d'une combinaison blanche, le jeune homme de 22 ans a brièvement comparu devant la juge Geneviève Graton au palais de justice de Montréal. Il a fixé le sol durant une bonne partie de l'audience. Des membres de la famille de la jeune femme assassinée s'étaient déplacés au tribunal pour voir celui qu'on soupçonne d'être son assassin. La mère de la victime semblait en proie à vive émotion, assise dans le fond de la salle. Le clan a quitté le palais sans s'adresser aux médias présents. Fontanelli reviendra en cour le 17 août pour la suite du processus judiciaire. Il reste détenu d'ici là.

- Daniel Renaud et Caroline Touzin

Photo Patrick Sansfaçon, La Presse

Des membres de la famille se sont déplacés au Palais de justice.