Dans le cadre d'une opération hautement inhabituelle, l'Équipe intégrée de la sécurité nationale pilotée par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a mené des perquisitions antiterroristes dans des établissements scolaires la semaine dernière, a appris La Presse.

Les policiers ont notamment fouillé les casiers d'élèves du collège de Maisonneuve de Montréal, dont cinq ont pris l'avion vers la Turquie en janvier à destination de la Syrie. Quatre autres élèves du cégep ont été arrêtés à l'aéroport il y a trois semaines alors qu'ils s'apprêtaient à prendre un avion qui devait les amener vers le djihad en compagnie de six autres jeunes.

Des perquisitions ont également été menées dans au moins une école secondaire de l'est de Montréal. La commission scolaire de la Pointe-de-l'Île, qui couvre les écoles de ce territoire, a refusé de confirmer le lieu de cette opération policière hors du commun ou d'en expliquer la nature. «On parle d'élèves mineurs», a dit la responsable des communications pour expliquer son refus de répondre à nos questions.

Les fouilles ont eu lieu dans le cadre d'une série de perquisitions menées mardi dernier dans la région de Montréal en lien avec la lutte contre le terrorisme.

La GRC avait alors confirmé à La Presse qu'il s'agissait de «perquisitions en cours d'enquête», sans préciser si des arrestations étaient au programme.

Des dizaines d'appels

Par ailleurs, deux mois après son lancement, la ligne téléphonique du Centre de prévention à la radicalisation menant à la violence, fondée le 9 mars par la Ville de Montréal et le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), a déjà reçu 125 appels, révèlent des chiffres fournis par la police.

De ces appels, cinq étaient des demandes d'aide externes au SPVM, comme au collège de Maisonneuve, d'où travaille maintenant une policière formée en travail social. Selon ce qu'indique le corps de police, son mandat est d'établir un diagnostic de la situation dans l'établissement, mais surtout de faire des recommandations à la direction du cégep. Trois appels à la ligne du Centre de prévention ont nécessité une intervention de la police.

Une vaste constellation

Depuis 2013, au moins une trentaine de jeunes Québécois ont quitté ou tenté de quitter le Canada pour grossir les rangs de groupes terroristes.

Samedi, une enquête commune de La Presse et du Toronto Star a révélé que ces jeunes ne sont pas des électrons libres. Presque tous sont liés, soit directement, soit par personnes interposées, dans une vaste toile d'araignée où se côtoient personnes d'influence et aspirants djihadistes. Plusieurs ont des liens avec le centre islamique Assahaba présidé par Adil Charkaoui.

Les 10 Québécois interceptés in extremis à l'aéroport, il y a deux semaines, au moment de partir faire le djihad, avaient  reçu des instructions très précises de vive voix de la part de «guides» montréalais rencontrés au centre Assahaba. On leur a expliqué comment trouver l'argent nécessaire à leur voyage et fourni des trucs pour ne pas éveiller les soupçons en achetant leurs billets d'avion.

Le centre réplique

Samedi, dans la foulée de la publication de notre enquête, le Centre islamique Assahaba a réagi sur sa page Facebook. «Nous rejetons vigoureusement les fausses allégations publiées par La Presse et le Toronto Star. Le CCIEM vise l'intégration, l'éducation et la construction. Et non pas la ségrégation, la "radicalisation" et la destruction!», lit-on.

Adil Charkaoui, qui ne nous a pas rappelés la semaine dernière, a pour sa part remercié ses élèves ainsi que toutes les soeurs et les frères qui lui ont témoigné leur appui.