Dans une série d'entrevues avec La Presse hier, des responsables des milieux politique et policier ont identifié quatre éléments essentiels pour combattre l'attrait du djihadisme auprès de certains jeunes Canadiens.

Terrain

À l'invitation du directeur de la police de Laval, Pierre Brochet, près de 250 intervenants se sont réunis hier pour discuter du phénomène de la radicalisation dans le cadre du séminaire Intersection. Rencontré sur place, le député libéral Guy Ouellet, ex-policier expert en lutte contre les motards criminels, s'est dit impressionné par la qualité des échanges. « On a 250 personnes aujourd'hui, des gens de terrain, qui sont là pour les bonnes raisons, qui font souvent du 90 heures par semaine. Il faut se parler. Le nerf de la guerre, c'est le renseignement. Et le meilleur indicateur, c'est le flair des gens sur le terrain », dit-il. De son côté, M. Brochet a souligné l'importance d'impliquer non seulement les hauts dirigeants mais aussi les troupes de première ligne dans la lutte contre la radicalisation. « La GRC fait les enquêtes, mais ni la GRC ni la SQ ne sont sur le terrain à Laval. Nous, nous avons formé plusieurs patrouilleurs pour qu'ils sachent quoi remarquer quand ils répondent à des appels. Ils peuvent voir des photos, des livres, des messages affichés sur internet, et ils peuvent signaler l'information pertinente », dit-il.

Sommet des provinces

Le gouvernement Couillard a confirmé qu'il proposerait des mesures législatives pour faire face au phénomène d'ici la fin de la session parlementaire. Mais la ministre Lise Thériault a aussi hâte à la rencontre interprovinciale de tous les ministres de la Sécurité publique, qui se réuniront avec leur homologue fédéral Steven Blaney pour parler de terrorisme et de radicalisation. « Nous allons avoir une rencontre prochainement », s'est réjouie Mme Thériault, qui dit vouloir s'inspirer des meilleures pratiques partout dans le monde. Elle demeure particulièrement marquée par sa visite récente de la petite communauté de Vilvorde, en Belgique, une localité de 40 000 habitants où la communauté a dû se mobiliser après des dizaines de disparitions de jeunes partis vers la Syrie. « Tout le monde a été touché là-bas, tout le monde connaissait quelqu'un », raconte-t-elle.

Perturbation

Les arrestations préventives liées au terrorisme qui font la manchette et occupent le palais de justice ne sont qu'une fraction des interventions policières en matière de terrorisme et de radicalisation violente. Il y a aussi beaucoup d'interventions concrètes accomplies dans l'ombre. Dans plusieurs cas, les policiers interviennent pour empêcher une situation de dégénérer, sans que cela mène à des procédures judiciaires. « Beaucoup de dossiers ne sont pas médiatisés, car ils ne mènent pas à des accusations. Une grande partie de nos dossiers de sécurité nationale, ce sont des actions de perturbation qui sont menées. Nous sommes proactifs », a raconté hier le sergent de la GRC Hakim Bellal, lors du colloque tenu à Laval.

Féminité

Plusieurs intervenants l'ont répété hier : il faut aussi s'occuper des jeunes filles en matière de lutte contre l'extrémisme violent. « Il y a une augmentation du nombre de femmes qui veulent partir et accompagner quelqu'un qui s'en va combattre à l'extérieur, je peux le confirmer », a déclaré au colloque de Laval l'inspecteur Pierre Allaire, de la Sûreté du Québec. Une jeune étudiante du Collège de Maisonneuve et son amoureux ont été arrêtés récemment et accusés d'avoir voulu commettre un acte terroriste. Deux filles faisaient aussi partie du groupe d'étudiants du cégep disparus en janvier. « Il y a parfois une dynamique de couples là-dedans, et ça peut être encore pire. Il y a beaucoup de couples dans les cas qu'on a vus », a constaté hier la ministre Lise Thériault.