Dur lendemain de veille pour les contrebandiers. Selon ce qu'a appris La Presse, la police de Montréal frappe ce matin ce qu'elle croit être un réseau criminel basé à Kahnawake, qui importait de pleins conteneurs de vin européen en vrac et inondait le marché de bouteilles illégales, frustrant les gouvernements de millions en taxes.

Il y a belle lurette que le SPVM n'avait pas mené une opération de cette envergure en matière de contrebande d'alcool. Le dossier a été baptisé «Projet Malbec».

Selon ce qui filtre de l'enquête jusqu'ici, les vins en vrac arrivaient d'Europe, puis étaient embouteillés au Canada pour être revendus à la First Nations Winery, un commerce situé sur la route 138, au coeur de la réserve Mohawk de Kahnawake.

La clientèle était loin d'être limitée aux Amérindiens. Des gens des quatre coins du Québec y défilaient sans cesse pour remplir leur coffre de voiture. Un client à lui seul a déjà été intercepté avec plus de 1200 bouteilles, a appris La Presse.

Certaines variétés s'y vendaient entre 10 et 12 $ la bouteille, mais le commerce proposait aussi des sacs de quatre litres de blanc à 26 $, de rosé à 28 $ et de Chianti à 26 $.

Fraude «colossale»

Pas un sou n'était versé au trésor public : ni pour la taxe d'accise, ni pour la TPS, ni pour la majoration habituelle de la SAQ, ni pour la taxe spécifique sur l'alcool du Québec, ni pour la TVQ, ni pour le programme Éduc-alcool, ni pour le programme de recyclage. Ni, évidemment, pour les impôts sur les juteux revenus des complices impliqués.

Chaque conteneur de 24 000 litres importé par le réseau représentait un manque à gagner pour l'État de 143 000 $, selon les estimations des autorités.

La fraude est jugée «colossale» et estimée à plusieurs millions par les autorités, selon nos sources.

La First Nations Winery a été fondée par le hockeyeur retraité Floyd Lahache, 57 ans, ancien hockeyeur des Castors de Sherbrooke qui a joué professionnellement dans la Ligue américaine et l'Association mondiale de hockey.

Mais les policiers croient qu'il n'est pas la tête dirigeante du réseau. Le vrai cerveau de l'affaire serait un oenologue italien installé à Saint-Basile-le-Grand, en Montérégie: Luca Gaspari.

L'homme de 52 ans a été arrêté chez lui ce matin, pour complot, fraude et recel.

Les enquêteurs qui ont mis le réseau à jour participent au programme ACCÈS, ou Action concertée pour contrer les économies souterraines. Ils sont épaulés par des procureurs spécialisés du Bureau de lutte au crime organisé.

- Avec la collaboration de Daniel Renaud