Le Montréalais arrêté pour menaces terroristes, vendredi dernier, restera derrière les barreaux jusqu'à son procès. Jeffrey Labelle, converti à l'islam depuis trois ans, est un cas typique du «loup solitaire» et représente un danger pour la société, selon le juge Jean-Pierre Boyer de la Cour du Québec. Le jeune de 21 ans devra subir une évaluation psychiatrique avant son retour devant les tribunaux, le 23 janvier.

Pour la deuxième journée consécutive, Jeffrey Labelle était de retour dans le box des accusés pour son enquête sur remise en liberté. Contrairement à la veille, il semblait en forme et déterminé à convaincre le juge de le laisser rentrer chez lui. Il s'est dit prêt à respecter un couvre-feu, à se présenter régulièrement à un poste de police et même à ne plus fréquenter ses amis. Mais ses promesses de bonne conduite ainsi que le témoignage de sa grand-mère, Sylvie Labelle, qui se portait garante des conditions de remises en liberté, n'ont pas suffi.

«Nous sommes en présence d'un cas typique de «loup solitaire», je m'approprie l'expression, a déclaré le juge Jean-Pierre Boyer. Tous les éléments qui amènent le tribunal à conclure dans ce sens sont présents.»

Plusieurs armes

Pendant l'audience, l'enquêteur Laityty Chau, du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), a indiqué que les autorités avaient découvert plusieurs armes dans l'appartement de l'accusé: une machette, un sabre métallique, des munitions, trois couteaux, un mini-poignard et un couteau de style Rambo. Les policiers ont aussi saisi un cartable vert dans lequel se trouvaient des documents sur des attentats terroristes, ainsi qu'un plan de la ville de Montréal sur laquelle étaient ciblés quatre postes de police.

Un autre élément est apparu comme une preuve accablante contre Jeffrey Labelle. Les policiers de la GRC, qui collaborent à l'enquête, ont découvert la présence d'une «cache» située à la carrière Miron dans le quartier Saint-Michel, à quelques pas de son logement. Dans ce trou mesurant 10 pieds sur 12, selon la police, se trouvait du matériel de survie, une hache et une chaise.

C'est la mère de Jeffrey Labelle qui a informé les policiers de la présence de cette cache. Stéphanie Labelle a déclaré aux enquêteurs que son fils pourrait s'y réfugier avec ses amis et s'y entraîner, selon elle.

La mère de l'accusé est d'ailleurs à l'origine de son arrestation. Depuis six mois, cinq membres de la famille Labelle, dont la mère et la grand-mère, s'entassaient dans un modeste logis de deux pièces et demie du boulevard Pie-IX, dans le quartier Saint-Michel. La semaine dernière, alors que la mère venait de se mutiler devant son fils, celui-ci s'est mis en colère et s'est cassé un modem sur la tête. Prise de panique devant cette manifestation de violence, Stéphanie Labelle s'est réfugiée dans un centre de crise. Elle s'est confiée à une travailleuse sociale, qui a décidé d'alerter les policiers.

La mère a raconté aux enquêteurs que son fils voulait faire quelque chose de grandiose, qu'il disait qu'on le verrait à la télévision et que la famille serait fière de lui.

Alors que l'avocate de la Couronne relatait les paroles de sa mère, Jeffrey Labelle hochait la tête en signe de déni en levant les yeux au ciel. Il a insisté auprès de la cour et de son avocate pour préciser des faits, notamment les cartes et la cache.

La défense a tenté de discréditer les paroles de la mère en exposant ses problèmes d'alcoolisme et l'abandon de son enfant, qu'elle a eu à l'âge de 16 ans. Lors de son témoignage, la grand-mère a tenu à préciser que la «cache» n'était qu'une «cabane» où Jeffrey aimait se réfugier avec son frère quand la tension avec sa mère devenait insoutenable.

Analyse d'un criminologue

Jonathan Lambert, un criminologue de l'Institut Pinel chargé de tracer le portrait psychosocial de l'accusé, n'a pas été convaincu par les explications que l'accusé a fournies à propos de la carte et du cartable vert.

«Il ne m'a pas apparu crédible quand il a dit qu'il marquait des postes de police pour devenir policier», a soutenu l'expert devant la cour.

Même si le jeune n'a pas d'antécédents judiciaires, le criminologue a ajouté qu'il n'y avait pas de profil type pour les attaques terroristes ou les attentats dans des lieux publics. «Les tueurs de masse, dans une situation de crise où ils perdent leurs points de repère, vont commettre des crimes avec un déversement important de rage. Je pense que ça peut se rapporter au profil de monsieur avec la situation qu'il vit présentement.»