Son salaire de 300 000$ par année et ses généreuses allocations à titre de président de la société Patterson ne lui suffisaient pas. Pour arrondir ses fins de mois, Normand Sénécal recourait à la fausse facturation. Lundi, l'homme de 70 ans a été condamné à 54 mois de prison.

Il faut dire que la somme de la fraude est impressionnante: ce sont 3,4 millions que M. Sénécal a réussi à soutirer illégalement à son employeur, de 1996 à 2003, grâce au système de fausse facturation avec les fournisseurs qu'il avait mis au point. Cela lui était d'autant plus facile que c'est lui qui autorisait les factures, dans cette entreprise de fournitures dentaires. Le juge Pierre Labelle a parlé de la «gourmandise» et de la «voracité» de M. Sénécal. Il avait entre autres acheté un véhicule de façon frauduleuse, alors qu'il recevait 31 000$ par année pour une voiture. Le juge l'a envoyé en prison dès la fin du prononcé de la peine.

De toute évidence, M. Sénécal ne s'attendait pas à un dénouement aussi brutal. Même s'il a plaidé coupable à 20 accusations (une de fraude et 19 de fabrication de faux) en septembre dernier, dans cette affaire, et qu'une peine de pénitencier était inévitable, M. Sénécal est arrivé sans son petit bagage au palais de justice de Montréal, lundi. Il désirait maintenant récuser son avocat et, par la voix de sa nouvelle avocate, réclamait une «réouverture d'enquête» au motif qu'il avait été mal représenté. Devant l'expression peu amène du juge Labelle, l'avocate a lancé: «J'explique avant que vous fassiez le saut!»

L'avocate s'est lancée dans des explications, faisant valoir que le rapport avant sentence dont a fait l'objet l'accusé n'était appuyé sur rien d'autre et que l'accusé invoquait l'incompétence de son avocat. «Tant que la peine n'a pas été prononcée, vous avez le pouvoir de rouvrir l'enquête», a-t-elle dit au juge.

«Je sais que je peux. La question est: est-ce que je veux le faire?», a rétorqué le juge, avant de souligner qu'il avait lui-même été présent à toutes les étapes de cette affaire et que le travail de l'avocat lui paraissait plus qu'adéquat. M. Sénécal avait déjà profité de deux remises pour motif humanitaire, afin qu'il puisse finir des contrats en Europe. Estimant qu'il s'agissait d'une tactique pour gagner du temps dans une cause qui avait atteint l'extrême limite, le juge a rejeté la requête et a demandé à l'avocat de rester au dossier. Ce dernier n'était pas emballé.

«Dans les circonstances, être traité d'incompétent par cet individu et rester au dossier, je trouve ça un peu ordinaire. J'ai 32 ans de pratique, c'est la première fois», a réagi l'avocat, Luc Carbonneau. Il a toutefois accepté de rester au dossier pour le prononcé de la peine comme le juge le demandait.