Des familles de la communauté juive Lev Tahor qui ont fui le pays le mois dernier au beau milieu d'une affaire de garde d'enfants non réglée ont été critiquées par une juge ontarienne, vendredi, pour avoir empêché les tribunaux du pays de faire leur travail.

La juge Lynda Templeton, qui décidera si les enfants de la secte pourront être réunis avec leurs parents ou s'ils resteront dans des familles d'accueil, a fait savoir aux membres de Lev Tahor qu'elle était inquiète pour les droits des enfants, et non pour leur affiliation religieuse.

Cette audience se tenait vendredi en Cour supérieure de l'Ontario. Certaines des familles de la communauté juive ultraorthodoxe font face à des allégations non prouvées de mauvais traitements des enfants, de mariages forcés et de mariages de mineurs.

La juge Templeton a accordé aux parents la visite supervisée de leurs enfants, qui étaient confiés aux services sociaux durant le week-end. Une jeune fille de 17 ans a cependant été relâchée.

La juge a affirmé qu'elle ne pouvait laisser les parents voir leurs enfants sans supervision, puisqu'ils avaient déjà fui le pays avec eux.

Le mois dernier, tout juste avant l'audience en appel, certaines de ces familles ont fui le Canada à destination du Guatemala. Six enfants ont été appréhendés à Trinité-et-Tobago puis rapatriés au Canada, et deux autres ont été plus tard interceptés dans un aéroport de Calgary. Six autres enfants se trouvent toujours au Guatemala, où leurs familles tenteraient d'obtenir le statut de réfugiés.

«Je souhaite par-dessus tout que vous puissiez voir vos enfants et que votre communauté vive dans un environnement sain, sécuritaire et protégé exerçant tous les droits dont nous jouissons dans ce pays», a-t-elle déclaré.

Plus tôt dans la journée, la juge avait rejeté une requête d'ajournement de l'audience déposé par Lev Tahor, affirmant que ce dossier était en train de devenir «un cauchemar de procédures».

À la fin de l'année dernière, environ 200 membres de la communauté de Sainte-Agathe-des-Monts ont fui pendant la nuit vers Chatham, en Ontario, lorsque la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) québécoise s'est mise à enquêter sur le sort des enfants.

Un tribunal québécois a ensuite ordonné que 14 enfants soient confiés à des familles d'accueil, et un juge de la Cour de l'Ontario a confirmé ce jugement, statuant que 13 de ces enfants devaient être remis à la DPJ québécoise. Les membres de la communauté Lev Tahor ont alors porté cette décision en appel, en Cour supérieure de l'Ontario.

Trois résidants illégaux détenus

Également vendredi, trois des six membres de la communauté appréhendés mercredi par les services frontaliers canadiens ont appris qu'ils demeureront en détention parce qu'ils risquent de ne pas se conformer à des ordonnances d'expulsion déjà émises contre eux s'ils sont libérés.

Cette décision a été prise vendredi à Toronto par Andrew Laut, de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, lors d'examens des motifs de la détention. La commission a jugé que deux hommes et une femme, tous citoyens israéliens, avaient à plusieurs reprises ignoré les règlements de l'immigration et n'avaient pas le statut légal pour rester au Canada. Il s'agit d'Avraham Kabaz Kashani, 39 ans, Odel Malka, 30 ans, et Yochanan Lauer, 19 ans.

M. Kabaz Kashani est arrivé au pays en 2000 grâce à un visa de résidence temporaire. À plusieurs reprises, il a tenté d'obtenir le statut de résident permanent au Canada, en vain. Il a reçu un avis d'expulsion du pays en 2007, une fois toutes ses possibilités d'appel épuisées. Or, il n'a jamais quitté le Canada depuis, et n'a pas évidemment contacté les autorités pour discuter de son statut - jusqu'à son arrestation mercredi.

Pour sa part, M. Kabaz Kashani soutient qu'il n'a pas quitté le pays en 2007 parce que sa femme venait d'avoir un enfant.

«Je ne me suis pas sauvé et je ne me suis pas caché. Je suis resté dans la même maison. Je n'ai pas changé de nom», a-t-il déclaré en hébreu à la commission, accompagné d'un interprète.

Mme Malka, quant à elle, était mineure lorsqu'elle est arrivée au Canada en 2000. Elle a été renvoyée puis est revenue en 2001. Elle a fait une demande pour obtenir le statut de réfugiée et a entrepris d'autres démarches pour rester au pays. Elle a été renvoyée à nouveau en 2012, mais a réussi à rentrer. Elle pourra faire une demande pour un «examen des risques avant renvoi», ce qui repousserait son départ de 10 à 12 semaines.

M. Lauer sera, pour sa part, expulsé le 10 avril. Arrivé au Canada en 1999, il est le père de trois enfants. Il pourrait demander un sursis de la mesure de renvoi.

Des trois autres membres arrêtés mercredi, deux ont été libérés sous condition et un autre, un citoyen américain, est retourné aux États-Unis.