Pasquale Mangiola, trafiquant rendu célèbre pour son amitié avec les mal-aimés frères Kostitsyn du Canadien de Montréal, a été reconnu coupable de trafic de cocaïne et d'armes, hier. Sa bande et lui ont été envoyés en détention sur-le-champ par la juge Manon Ouimet, avant même qu'elle ne rende sa sentence, malgré leurs protestations et les pleurs de leurs proches.

Plus de cinq ans après leur arrestation dans le cadre de l'opération Axe du SPVM qui visait les gangs de rue montréalais, la juge de la Cour du Québec a rendu son verdict dans le dossier des trois accusés.

Outre Mangiola, Roberto Sauro et Curtis Rodney ont été condamnés. Selon la preuve présentée au procès, Mangiola, qui dit aujourd'hui travailler dans une pizzeria, mais qui roulait en Porsche lors de l'enquête, était le supérieur hiérarchique des deux autres.

Dans son jugement, la juge Ouimet analyse avec précision le rôle de chacun.

Sauro occupait un garage de la 1re Avenue, à Montréal, où il faisait de la mécanique sur des motos, mais qui servait aussi de cache de drogue au petit clan.

Les policiers en filature ont affirmé qu'à l'été 2008, un kilogramme de coke a été pris sur place et livré par Curtis Rodney, sous les ordres et la surveillance de Mangiola, dans un appartement de la rue Jarry Est. Quand Mangiola a donné ses ordres à Rodney, il lui a indiqué qu'il avait du « paperwork » pour lui. La drogue allait ensuite être transportée chez un autre coaccusé, Emmanuel Mémé. Elle était éventuellement destinée, selon l'écoute électronique, à Emmanuel Zéphir, alias Mano, un puissant chef de gang de rue.

Tout cela a conduit la juge à déclarer les trois hommes coupables de complot et trafic de drogue.

Sauro a de plus été trouvé coupable de possession de drogue dans le but d'en faire le trafic et de possession d'une arme prohibée.

S'ajoute, dans le cas de Mangiola, une condamnation pour trafic d'arme. En effet, il a vendu à un autre accusé, Igor Vassiliev, un pistolet Ruger de calibre 9 mm, toujours en 2008. La livraison aurait été faite par Mangiola, qui a placé l'arme dans une boîte à chaussures cachée dans un sac Holt Renfrew rose. 

Le lendemain, l'arme était saisie dans l'appartement de Vassiliev, avenue Atwater. Vassiliev était arrêté, ce qui a paniqué Mangiola. « Maybe we pay lawyer good money and lawyer make you no criminal record », a lancé Mangiola à Vassiliev dans un anglais boiteux, dans le but de l'inciter à ne rien dire.

Sans leurs valises

Hier au tribunal, les trois hommes se sont présentés sans leurs valises. Ils ne s'attendaient pas à prendre immédiatement le chemin des cellules, comme l'a réclamé la poursuite. Quand la juge Ouimet le leur a annoncé, ils en ont été stupéfaits. Leurs proches, certains âgés, ont fondu en larmes.

« Je dois aller chercher mes enfants à la garderie », a expliqué Curtis à son avocate pendant que sa copine sanglotait.

Dans une scène confuse, les constables spéciaux du palais de justice leur ont passé les menottes alors que les condamnés parlaient à leurs proches, et avant même que leurs avocats ne puissent leur adresser la parole pour préparer la suite des choses. Mangiola s'est plaint de ne « plus sentir ses doigts », tant ses menottes étaient serrées.

« Nos clients n'étaient certainement pas prêts à aller en détention aujourd'hui, la poursuite n'avait pas annoncé son intention », a déploré Me Debora De Thomasis, avocate de Sauro.

La juge a indiqué que le trio devait s'attendre à une longue peine d'incarcération.

Mangiola et les joueurs de hockey

La fréquentation de Pasquale Mangiola a mis les frères Sergei et Andrei Kostitsyn ainsi que Roman Hamrlik, trois anciens joueurs du Canadien de Montréal, dans l'eau chaude en 2009. La Presse avait révélé que le trafiquant se plaisait à s'afficher avec eux et à leur rendre toutes sortes de services. Il guidait les deux frères dans leur nouvelle vie montréalaise, faisait la fête avec eux dans les restaurants et bars de la ville, leur fournissait ce qu'ils souhaitaient, voitures, logements, femmes, vodka. Il avait même accès à leurs documents financiers. Les enquêteurs du projet Axe avaient enregistré de nombreuses conversations entre Mangiola et les joueurs. Roman Hamrlik avait admis cette fréquentation sur les ondes d'une télé tchèque, indiquant qu'il est parfois complexe pour un nouvel arrivant de se retrouver à Montréal et que Mangiola l'aidait. Aucun des joueurs n'est mentionné dans le jugement rendu hier, et ils n'ont jamais été accusés de quoi que ce soit.

Il semble que Mangiola, un fan de hockey, les voyait plutôt comme une façon de rehausser son prestige.