Le prêteur qui a péri sous une pluie de balles à Laval mercredi venait de participer à la prise de contrôle du siège social de Carboneutre, la firme de décontamination de la mafia sur laquelle la commission Charbonneau s'est penchée cet automne, a appris La Presse.

Il s'agit d'une des nombreuses transactions que devront scruter les enquêteurs de la Sûreté du Québec (SQ) chargés d'élucider le meurtre de Roger Valiquette.

Financier hyperactif impliqué dans plus de 400 transactions immobilières depuis l'an 2000, Valiquette vaudrait des millions et aurait eu beaucoup d'ennemis, selon plusieurs sources.

Considéré comme le plus important prêteur usuraire de Montréal, il aurait été impliqué dans une multitude d'activités, en plus d'exploiter ses cinq sociétés de financement «alternatif» détentrices de permis de l'Office de protection du consommateur.

Prêt de 1 million

Au début de l'année 2013, il a prêté 1 million à des investisseurs qui ont acheté un grand bâtiment commercial sur le boulevard Maurice-Duplessis à Rivière-des-Prairies. C'est dans ce bâtiment qu'était autrefois situé le siège social de la firme de décontamination Carboneutre, une entreprise infiltrée par la mafia à laquelle étaient liés le caïd Raynald Desjardins et le mafieux Domenico Arcuri, avant qu'ils ne prennent leurs distances.

La commission Charbonneau a longtemps analysé cet automne les tentatives infructueuses de Carboneutre pour obtenir du financement du Fonds de solidarité FTQ grâce à la complicité du syndicaliste Jocelyn Dupuis.

En 2012, après l'aventure Carboneutre, l'immeuble du boulevard Maurice-Duplessis avait été la cible d'attaques au cocktail Molotov, comme d'autres propriétés liées à Domenico Arcuri.

Au terme d'une série d'opérations financières complexes qui se sont succédé après le prêt de Roger Valiquette, cette année, l'immeuble est passé aux mains de la conjointe du mafieux Tonino Callocchia, le 28 octobre dernier. Roger Valiquette y avait toujours des intérêts. Valiquette et Callocchia ont été associés par le passé. Callocchia a lui-même été la cible d'une tentative de meurtre à Laval en février dernier.

Blanchiment d'argent

Par ailleurs, Roger Valiquette aurait aussi trempé dans le blanchiment d'argent, en plus de posséder des guichets automatiques indépendants, selon nos sources. Un ancien cadre d'une banque travaillait pour lui. Il aurait entretenu des contacts avec des trafiquants de drogue.

En 2008, son nom a été associé à une affaire de prêts qui a mal tourné avec la firme GE Capital, de Montréal, selon des documents déposés en cour.

Valiquette avait prêté 1 million de dollars à l'entrepreneur en construction Piero Di Iorio.

Dans une transaction subséquente, c'est GE Capital qui a entrepris de rembourser le million de dollars à Valiquette. Cette transaction a soulevé l'ire des grands patrons de GE, aux États-Unis, qui n'acceptaient pas que l'argent de GE serve à rembourser un prêteur avec un dossier criminel.

Le nom de Valiquette est également sorti durant l'enquête Diligence visant à contrer l'infiltration des Hells Angels dans l'économie légale, en particulier le secteur de la maçonnerie.

Aujourd'hui, des gens le comparent parfois à Raynald Desjardins, parce que ces deux Québécois ont atteint les plus hautes sphères du crime organisé. Si les deux hommes ont déjà fait des affaires ensemble, à une certaine époque, ce n'aurait plus été le cas au moment de la mort de Valiquette.

La police tentera enfin de déterminer si un conflit pour le contrôle des environs de Rivière-des-Prairies, ancien fief du chef de clan Giuseppe De Vito assassiné au cyanure dans sa cellule du pénitencier de Donnacona, l'été dernier, pourrait être le mobile du crime.

Roger Valiquette était en attente d'un procès pour menaces de mort et voies de fait avec utilisation d'une arme à feu, une affaire remontant à septembre. En 1991, il s'était livré aux autorités américaines après avoir été relié à l'importation de 60 kg de cocaïne à l'aéroport de Miami destinés au Canada.