Même si le Hells Angel Normand Robitaille a droit à des sorties pour étudier à l'université, l'ancien bras droit de Maurice Boucher s'est rendu compte hier que son lourd passé ne lui ouvrira pas si facilement les portes de la liberté.

Pour la deuxième fois depuis janvier, l'ancien motard, qui dit avoir quitté les Hells Angels, s'est en effet présenté devant les commissaires aux libérations conditionnelles.

En janvier, il a obtenu le droit d'étudier à HEC Montréal. Trois fois par semaine, à 9h30, il prend l'autobus de Sainte-Anne-des-Plaines pour Montréal et revient 12 heures plus tard. Hier, Robitaille pensait bien pouvoir être envoyé en maison de transition ou obtenir sa libération conditionnelle totale, d'autant plus qu'il avait l'appui de son agente de libération.

Mais les commissaires Louis Renaud et Pierre Cadieux ont décidé de prendre le dossier en délibéré.

Entrevue serrée

L'audience a été ponctuée de plusieurs pavés dans la mare pour Robitaille. D'entrée de jeu, les commissaires ont argumenté avec l'agente de libération au sujet d'une évaluation faite en janvier dernier par un psychologue. Celui-ci dit n'avoir constaté aucun changement de comportement notable chez Robitaille et évalue à «moyens» les risques de récidive de violence s'il retombait dans la criminalité.

L'échange a visiblement refroidi l'optimisme du détenu, qui s'est retourné vers son avocate, inquiet.

Les 160 victimes de la guerre des motards et les 110 millions de dollars de chiffre d'affaires des Hells Angels pour une seule année sont également revenus hanter Robitaille.

«Ils m'ont saisi 200 000$ et pour 6 millions de biens. Je n'ai plus rien», a-t-il dit.

«Ou bien vous êtes un mauvais bandit, ou bien vous êtes un bon menteur», a réagi le commissaire Renaud, incrédule.

Les commissaires ont également cité un rapport de renseignement daté de 2012 dévoilant qu'une personne proche de Robitaille aurait rencontré une personne de l'entourage de Maurice Boucher au Mexique, en 2005.

Robitaille a paru surpris par cette information, qu'il a expliquée par de simples liens d'amitié sans incidences criminelles.

Des voeux pieux?

«À 45 ans, j'ai vécu la première moitié de ma vie. Je veux vivre la deuxième dans la paix. Dix ans du régime de la prison, ça te ramène sur terre. Je me suis reconnecté avec la réalité et je dis à mes victimes que je suis désolé pour leurs malheurs», a affirmé Robitaille, qui veut vivre une vie de famille et travailler pour une entreprise qui aidera les commerces ayant pignon sur rue à vendre leur marchandise sur l'internet.

«Un vieux proverbe chinois dit qu'il est plus facile de changer le cours d'un fleuve que le caractère d'un homme», a lancé Louis Renaud, dans une autre formule massue.

Faisant allusion aux «beaux discours» maintes fois entendus, Pierre Cadieux a annoncé que son collègue et lui rendront leur décision dans les 15 jours.

«C'est un cas complexe. Il faudra une analyse profonde pour une décision équitable», a-t-il conclu.

Normand Robitaille

> Membre des défunts Nomads, groupe d'élite des Hells Angels

> Arrêté dans l'opération Printemps 2001 (mars 2001)

> Condamné à 17 ans de prison en 2003 pour complot pour meurtre, trafic de stupéfiants et gangstérisme

> Au début des années 2000, c'est à lui que les Hells Angels ont confié la tâche de négocier le prix de la cocaïne à Montréal avec le clan Rizzutto.

> Libération d'office: janvier 2015