Eric Dejaeger, un ancien prêtre qui doit faire face cette semaine à 76 chefs d'accusation à caractère sexuel impliquant des enfants inuits, aurait pu, selon un leader oblat, être jugé il y a des années déjà si ce n'eut été du consentement tacite du Canada à le voir quitter le pays.

George Vervust, le provincial des oblats Marie-Immaculés (OMI) de Belgique/Pays-Bas, la congrégation catholique ayant envoyé Dejaeger dans plusieurs communautés du Nunavut, affirme que, selon ses informations, des fonctionnaires du ministère canadien de la Justice auraient officieusement conseillé au prêtre de quitter le pays.

Le père Vervust a soulevé plusieurs questions remettant en question la gestion du dossier, notamment sur le fait qu'un homme accusé de crimes à caractère sexuel contre des enfants ait pu quitter le pays quelques jours seulement avant son procès.

Le nouveau procès de Dejaeger doit débuter lundi à propos d'allégations datant du 19 février 1995, date à laquelle il a été accusé pour une première fois d'agressions sexuelles présumées qu'il aurait commises à Iglookik, sur la pointe nord-est de la baie d'Hudson, entre 1978 et 1982.

Le procès de l'accusé, qui a plaidé non coupable, se tiendra sans jury.

En 1995, l'homme venait tout juste de compléter une peine de cinq ans d'emprisonnement en lien avec 11 chefs d'accusation de crimes sexuels contre des enfants de Baker Lake, une autre communauté du Nunavut où il avait été affecté après Iglookik.

Il devait comparaître le 13 juin 1995 en lien avec ces accusations d'Iglookik, mais ne s'est jamais présenté. Dejaeger se trouvait déjà, à ce moment-là, en Belgique.

Un mandat d'arrestation avait immédiatement été publié, mais il avait tout de même pu se rendre dans des communautés d'oblates en France et en Belgique sans être inquiété.

Des documents internes dont La Presse Canadienne a obtenu copie révèlent que l'homme avait planifié dès le départ sa fuite en Europe.

Selon le père Vervust, le gouvernement canadien aurait été satisfait de se voir ainsi débarrassé de l'accusé.

«Des gens de la police et son avocat lui ont dit: «Va-t'en. Tant et aussi longtemps que tu ne reviens pas au Canada, il n'y aura pas de problèmes'», a-t-il soutenu.

Le ministère fédéral de la Justice a refusé de commenter.

Le directeur du ministère responsable des Territoires-du-Nord-Ouest entre 1992 et 1998, Pierre Rousseau, a expliqué qu'il n'avait pas été impliqué dans le dossier de Dejaeger, mais qu'il n'aurait pas considéré l'affaire comme inhabituelle.

«Vous ne me croiriez pas si je vous disais comment c'était à l'époque. Nous devions gérer des centaines de cas très sérieux, c'était très difficile», a-t-il raconté.

Rien qu'à Baker Lake, deux autres procès majeurs pour agression sexuelle se déroulaient à l'époque. L'un impliquait un prêtre anglican tandis que l'autre concernait 17 hommes et l'agression d'une déficiente intellectuelle.

Dejaeger a finalement dû rentrer au pays pour des questions d'immigration et non pour une affaire d'extradition. C'est en janvier 2011 qu'il est rentré au Canada, après qu'un journaliste belge eut rapporté qu'il avait perdu sa citoyenneté belge en 1977 en devenant Canadien. L'homme, qui vivait en Belgique sans aucun visa depuis 1995, a été expulsé par les autorités.