Craignant de voir le sang y couler de nouveau, la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) a convoqué d'urgence les administrateurs d'un bar de l'arrondissement de LaSalle, où sont tombées sous les balles deux figures importantes du crime organisé montréalais le 1er juillet dernier.

Ce jour-là, vers 18h, un homme armé a fait feu à plusieurs reprises après une dispute entre clients du bar Nite Lite, situé dans un petit centre commercial du boulevard Newman.

Il a ainsi causé la mort de Jamie et Cody Laramée, deux têtes d'affiche du crime organisé irlandais. Jamie surtout. À 37 ans, il était le digne héritier des affaires des frères Matticks, du puissant gang de l'Ouest. Il contrôlait les entrées de drogue au port de Montréal. Son frère Cody, 25 ans, était l'homme de main du duo.

Une procédure rare

La RACJ a convoqué d'urgence, quelques jours plus tard, les dirigeants du Nite Lite qui, officiellement, porte toujours son ancien nom, le Café Mezza Luna. Une procédure rare que la Régie met en branle «lorsque la poursuite des activités visées est susceptible de mettre en danger la vie ou la santé des personnes ou de causer un dommage sérieux ou irréparable aux biens», lit-on dans l'avis de convocation daté du 4 juillet.

Le lendemain, c'est Vincenzo Nesparoli, le frère du propriétaire Gino Nesparoli, qui s'est présenté devant la RACJ au palais de justice de Montréal.

Il a alors été expliqué que Gino Nesparoli avait été lui-même blessé à la jambe par une balle lors de l'événement.

Un élément qui n'avait pas été rapporté par les policiers le jour du drame, puisque l'homme s'est rendu de lui-même dans un centre hospitalier.

Ce n'est que plus tard que les enquêteurs ont su où il était, lit-on dans l'avis de convocation.

À l'hôpital, le 3 juillet, des policiers lui ont demandé de fermer son bar. Ce qu'il a refusé, disant qu'il rouvrirait le 9 juillet. Mais au cours de l'audience du 5 juillet, il a été convenu que le permis d'alcool de l'endroit serait suspendu au moins jusqu'à la prochaine date d'audience devant la régie.

Ce n'était pas la première comparution des administrateurs devant la RACJ.

Dans le passé, Gino Nesparoli avait dû s'engager à tenir loin de son établissement des proches au lourd passé judiciaire qui semblaient passer plus de temps aux commandes du bar que lui-même, qui est sans casier judiciaire. Il aurait déjà vu sa voiture incendiée dans le passé et ses proches menacés de mort, apprend-on dans la convocation de la Régie.

Selon nos sources, l'une de ces personnes interdites au Nite Lite par la RACJ était présente au cours du double meurtre et serait introuvable depuis. La police n'obtiendrait pas une très bonne collaboration de la direction du bar et ne trouverait pas les images des caméras de surveillance qui se trouvent dans l'établissement.

La thèse du règlement de compte entre factions criminelles rivales ne serait pas la principale à être envisagée par les détectives, puisque les coups de feu ont été tirés au terme d'une dispute verbale qui avait peut-être éclaté à cause d'un litige personnel entre les belligérants.

Vengeance

Parmi les personnes qui se trouvaient sur place en compagnie des Laramée le soir du meurtre, il y avait Peter Mountakis et Anthony Pugliese. Ce dernier est le fils de Michael Pugliese, un homme battu à mort pour une dette de drogue par Laramée et un membre de la mafia, Pietro D'Adamo, en 1999. Ils avaient été condamnés pour homicide involontaire. Anthony Pugliese et celui qui a causé la mort de son père seraient néanmoins en bons termes.

Mountakis aurait été frappé au visage à coups de crosse d'arme à feu au cours de la fusillade. C'est d'ailleurs avec des yeux au beurre noir qu'il se serait présenté aux funérailles des Laramée, auxquelles assistaient aussi le motard Salvatore Cazzetta et Tony Volpato, un proche de la mafia.

Le milieu criminel comme la police craignent que les proches des Laramée, des personnes influentes et violentes, ne trouvent l'auteur du meurtre avant les enquêteurs et vengent les défunts à leur manière.