Chiheb Esseghaier, ce Montréalais arrêté pour avoir projeté un attentat contre un train de VIA Rail, avait un mentor qui, après avoir vécu au Canada s'est installé à New York dans l'espoir de créer un réseau international de terroristes, selon de nouveaux documents dévoilés par les autorités américaines.

Ahmed Abassi, qui est citoyen tunisien, avait été arrêté à l'aéroport JFK de New York le 22 avril, mais les accusations contre lui, qui ont été déposées le 2 mai en Cour fédérale dans le district sud de l'État de New York, étaient demeurées sous scellé jusqu'à hier après-midi.

Selon ce qu'avance le FBI, c'est lui qui a «radicalisé» Chiheb Esseghaier. Il l'aurait d'ailleurs admis en interrogatoire. Esseghaier aurait ensuite reçu un entraînement à l'étranger selon le document déposé au tribunal américain.

Abassi résidait au Canada et était même un étudiant de l'Université Laval avant de s'installer aux États-Unis, à la mi-mars 2013. Déjà considéré comme un danger potentiel, il est demeuré en tout temps sous la surveillance de la police. Le FBI l'a vu rencontrer Chiheb Esseghaier à New York récemment.

«M. Abassi est venu aux États-Unis pour mener des activités terroristes et soutenir d'autres personnes dans ces objectifs honteux. Ce que M. Abassi ne savait pas, c'était qu'un de ses associés, au courant des détails de son plan, était un agent infiltré du FBI», a expliqué George Venizelos, un cadre du FBI, dans un document officiel publié hier.

«Ahmed Abassi avait un but maléfique pour tenter de rester aux États-Unis: commettre des actes de terreur, créer un réseau de terroristes ici et utiliser ce pays comme base pour soutenir les efforts de terroristes ailleurs dans le monde», a ajouté le procureur fédéral chargé de la poursuite, Preet Bharara.

Des plans différents

L'agent infiltré du FBI aurait enregistré des conversations dans lesquelles Abassi parlait à Esseghaier de son désir d'attaquer des cibles aux États-Unis et dans d'autres pays. Il aurait aussi fait part de son intention de fournir de l'assistance et du financement à Al-Qaïda en Irak ainsi que de recruter des complices pour planifier des attentats.

Abassi aurait jugé que les plans d'Esseghaier étaient «bons», mais que le moment était mal choisi pour agir. Il aurait suggéré au Montréalais une possibilité: empoisonner un réservoir d'eau potable et «tuer 100 000 personnes», mais l'idée a ensuite été abandonnée.

Toujours selon le FBI, Abassi aurait donné à l'agent infiltré les noms de plusieurs de ses connaissances qui partageaient ses valeurs radicales et qui, selon lui, pouvaient souhaiter participer à des activités terroristes.

Pas d'accusations liées au terrorisme

Pour poursuivre ses activités, Abassi avait besoin de documents d'immigration qui lui auraient permis de demander un visa de travail américain. Il est d'ailleurs accusé d'avoir fait une fausse déclaration pour obtenir une carte verte, un crime passible d'une peine maximale de 25 ans de prison.

Pour l'instant, il n'est pas accusé de complot ou de financement d'actes terroristes.

Une avocate de New York représentant Ahmed Abassi affirme que les accusations américaines sont très discutables. «Il nie catégoriquement ces allégations. Il le fait vraiment», a déclaré Sabrina Shroff, avocate de la défense, avant d'ajouter que son client «n'est pas inculpé d'une quelconque infraction de terrorisme. Il est accusé d'infractions pour l'obtention d'un visa».

Elle a suggéré que M. Abassi, qui est arrivé au Canada en provenance de Tunisie sur le visa étudiant en 2010, n'aurait jamais mis les pieds aux États-Unis sans la permission de responsables de la sécurité. «Ça soulève certainement une question sur le gouvernement [...] Ne sont-ils pas ceux qui lui ont délivré un visa?», questionne-t-elle.

Pour sa part, le commissaire Raymond W. Kelly, de la police de New York, soutient que «les allégations dans ce cas servent à faire un rappel que le terrorisme n'a pas diminué, que nous devons rester vigilants, et que lorsque nous faisons des complots terroristes contre nous peuvent être contrariés.»

-Avec Jean-François Néron, Le Soleil et The Globe and Mail