Le maire de Saint-Lambert, Alain Dépatie, a été la principale source qui a alimenté le Journal de Saint-Lambert et son propriétaire David Leonardo, qui viennent d'être condamnés à verser 130 000 $ pour avoir diffamé l'ancien maire, l'ex-directrice générale, un fonctionnaire et quatre anciens conseillers municipaux.

Dans un jugement rendu lundi, la Cour supérieure conclut à un manque de vérification des informations publiées «qui s'avèrent fausses ou inexactes», à la publication d'«affirmations à l'emporte-pièce en utilisant sans justification des termes blessants» et à «une attitude malveillante, empreinte de mauvaise foi, dans le but de discréditer [...] l'administration municipale».

Les propos défavorables à l'endroit du maire de l'époque, Philippe Brunet, tirent leur source de l'adversaire de ce dernier, Alain Dépatie, aujourd'hui maire de la Ville. «M. Leonardo n'a pas pris de moyens raisonnables pour évaluer la fiabilité des informations transmises par sa source, M. Dépatie, qui est un opposant déclaré au maire Brunet», peut-on lire dans la décision de la juge Marie-Claude Armstrong.

Bénéfice politique

«Le Tribunal constate que pendant le mandat de l'administration municipale en place de 2009 à 2013, les défendeurs se sont mis au service inconditionnel et quasi exclusif de M. Dépatie. La couverture des affaires municipales n'a pas été traitée de manière équilibrée, pondérée, ou exacte», écrit la juge Armstrong.

Joint en fin d'après-midi, le maire Dépatie a reconnu avoir bénéficié politiquement des articles publiés par David Leonardo. «C'est sûr que ça faisait mon affaire mais je n'avais aucune malice là-dedans. [...] Et il faut dire que tous ceux qui ont témoigné étaient mes adversaires politiques. Ils ont présenté ça à leur façon», a affirmé à La Presse le maire Dépatie.

Ce dernier dit connaître David Leonardo de très longue date. Il le qualifie de «connaissance d'affaires». «M. Leonardo publiait mon opinion comme si c'était des faits. Moi, je n'avais pas nécessairement toute l'information», a affirmé Alain Dépatie. «Est-ce que M. Leonard a fait une de job de bras pour moi? Pas nécessairement. [...] J'en ai bénéficié», a-t-il ajouté.

M. Dépatie fera connaître sa décision de se représenter ou non à la mairie au cours de l'été.

Dommages moraux et punitifs

En regard des faits reprochés, le Journal de Saint-Lambert (propriété de Les Publications Leonardo Ltée) et son éditeur sont condamnés à verser des dommages moraux totalisant 100 000 $ ainsi que des dommages punitifs de 30 000 $. Le Tribunal ordonne également à M. Leonardo de publier dans les 60 jours et ce, dans les premières pages du Journal de Saint-Lambert, une large part des 66 pages du jugement afin d'informer les contribuables de Saint-Lambert.

Les articles soumis à l'analyse de la Cour supérieure «ont amené les citoyens à percevoir les demandeurs comme étant dépourvus de compétence ou d'intégrité. Ils ont adopté à leur égard une attitude empreinte de méfiance, de confrontation et de manque de respect».

M. Leonardo n'a pas rappelé La Presse.

Guerre commerciale

Au coeur du litige, on retrouve une guerre commerciale. À l'automne 2010, la directrice générale de Saint-Lambert, Michèle Verreault Lortie, analyse les coûts de publication des avis légaux que la Ville doit rendre publics obligatoirement dans un journal local. Jusque-là, c'était le Journal de Saint-Lambert qui publiait les avis légaux, bénéficiant alors d'un contrat de 39 782 $.

La Ville décide alors de réduire ses coûts en annonçant dans d'autres journaux. Dès l'année suivante, la facture payée au Journal de Saint-Lambert a été réduite à 18 415 $ et en décroissance les années suivantes. Lorsque Alain Dépatie succède à Philippe Brunet à la mairie en novembre 2013, le commerce de David Leonardo n'empoche plus que 2936 $ provenant de la municipalité. «En 2014, la Ville cesse de faire affaire avec les autres journaux et ne retient que les services du Journal [de Saint-Lambert], pour un coût total de 37 880 $», souligne le jugement.

Le maire Dépatie a soutenu que cette décision se justifie parce que les journaux concurrents avaient fermé leurs portes.