Les fonctionnaires du ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l'Électrification des transports (MTMDET) n'ont pas produit de faux documents. C'est simplement par erreur que des versions de travail de documents ont été soumises aux députés membres de la Commission de l'administration publique, conclut le bureau du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) au terme d'une enquête de neuf mois.

Dans une longue décision écrite - un geste inhabituel -, le DPCP a mis un terme à des mois de suppositions autour des révélations de Louise Boily et d'Annie Trudel, respectivement vérificatrice et « analyste » au ministère des Transports. Ce dossier n'est pas pour autant fermé ; l'Unité permanente anticorruption (UPAC) a transmis d'autres résultats d'enquête toujours en cours au DPCP. Dans quelques jours, la vérificatrice générale Guylaine Leclerc ajoutera sa pierre à l'édifice. Selon les informations obtenues, elle indiquera qu'il n'y a pas eu de faute grave au ministère des Transports, mais que les systèmes de contrôle sont perfectibles.

À l'époque, en commission parlementaire, Mme Boily avait soutenu que les documents soumis à la commission parlementaire n'étaient pas ceux qu'elle avait préparés. Mme Trudel avait renchéri en soumettant à la commission une clé USB contenant des milliers de documents démontrant à son avis que la sous-ministre Dominique Savoie avait retenu des informations embarrassantes pour sa gestion.

Mme Savoie, qui devait obtenir la présidence de Loto-Québec, avait été mise sur le carreau, sans mandat précis, à la direction des emplois supérieurs au ministère du Conseil exécutif. Appelé à se prononcer, le président de l'Assemblée, Jacques Chagnon, avait conclu que la direction du Ministère avait fait preuve de négligence quand elle avait envoyé des documents à l'intention des parlementaires.

Le DPCP va dans le même sens. « L'enquête effectuée révèle que c'est par erreur que des versions de travail des documents ont été utilisées par les fonctionnaires. » On n'a pas trouvé de geste qui aurait mérité une accusation, il n'y a pas de preuve que quiconque ait eu une « intention criminelle ». L'accusation de fabrication de faux document comporte un niveau de preuve exigeant. Il faut que la falsification ait « été accomplie avec l'intention que le document soit utilisé pour porter préjudice à une personne », ou qu'on ait voulu inciter quelqu'un à faire ou à ne pas faire un geste.

ALLÉGATIONS D'ABUS DE CONFIANCE

Le DPCP dispose aussi, sans porter d'accusations, des allégations d'abus de confiance. Dans son témoignage, Mme Boily avait soutenu qu'elle avait été intimidée par sa supérieure, la sous-ministre adjointe Danièle Cantin.

Mme Cantin avait été rencontrée par l'UPAC ; dans la déclaration sous serment qu'elle a soumise, et que La Presse a obtenue, elle rappelle que Mme Boily avait soutenu que la sous-ministre adjointe était inquiète par rapport au fait que des documents de vérifications internes aient été envoyés à la commission Charbonneau. Or, ces derniers avaient été rendus publics par le ministre de l'époque, Sylvain Gaudreault. Elle souligne, « au cours des dernières années, avoir constaté, à regret, que Mme Boily [ne lui avait] offert que peu de collaboration ». Cette dernière refusait de transmettre ses rapports de vérification sur le fonctionnement de sa propre division. Mme Boily avait étiqueté « Enquête refusée » un dossier qu'elle avait transmis, mais il n'y a pas eu de refus, la direction des enquêtes du Ministère avait jugé qu'il n'y avait pas matière, explique Mme Cantin.

Les accusations « d'intimidation » sont aussi contredites par Mme Cantin et une autre cadre du ministère, Nathalie Noël, dans des déclarations sous serment. Mme Noël souligne le caractère particulier du mandat de Mme Trudel, qui relevait directement du ministre Robert Poëti, tout en étant une contractuelle payée par le Ministère, au terme d'un contrat de gré à gré.