L'ex-enquêteur du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) Philippe Paul, un des personnages-clés de la guerre fratricide ayant poussé Québec à déclencher une enquête administrative sur le corps de police, a fait retirer lundi soir son nom d'une liste d'administrateurs d'une entreprise au passé trouble qui est sous la loupe de l'Autorité des marchés financiers.

Jusqu'à lundi soir, Philippe Paul était présenté sur le site web de Purthanol Resources comme « vice-président au développement des affaires » de cette entreprise de biodiesel de Richmond, qui s'est fait interdire par l'Autorité des marchés financiers, en août dernier, toute transaction liée à ses actions en Bourse.

L'entreprise est affiliée à une nébuleuse de sociétés appartenant à l'homme d'affaires montréalais Leonardo Stella, qui fait actuellement face à 36 chefs d'accusation pénale pour placements illégaux avec son entreprise Millenia Hope. Cette société inscrite en Bourse, qui prétendait avoir trouvé un remède pour la malaria et le VIH, comptait notamment le gangster montréalais Ducarme Joseph - assassiné en 2014 - parmi ses employés. Elle lui versait un salaire de plus de 20 000 $ par mois, avait révélé le Journal de Montréal à l'époque.

Joint en début de semaine, Philippe Paul a formellement démenti tout lien avec Purthanol. 

« Dès que j'ai su que mon nom était sur le site web de l'entreprise, j'ai immédiatement demandé à mes avocats de s'arranger pour le faire retirer dans les plus brefs délais. » - Philippe Paul

L'ex-enquêteur du SPVM reconnaît avoir rencontré Leonardo Stella en compagnie d'un autre des administrateurs de Purthanol, René Delarue, peu de temps après avoir pris sa retraite de la police. Les deux hommes lui ont proposé de devenir partenaire de l'entreprise, qui promettait de transformer des huiles usées en biodiesel selon un procédé révolutionnaire.

« C'est une rencontre qui a dû durer 30 minutes. J'ai regardé ça et j'ai refusé la proposition. Mais ils ont quand même mis mon nom sur leur site web », affirme M. Paul. « Je n'ai aucune affiliation avec eux, ni de près ni de loin. Je ne m'explique pas pourquoi ils ont mis mon nom. »

« IL A DIT NON »

Leonardo Stella affirme pour sa part que Philippe Paul a plus particulièrement été pressenti pour ouvrir une usine à l'étranger. « C'était prématuré [overzealous] de mettre son nom sur le site web. On n'aurait pas dû le faire, parce que ce n'était pas vraiment le cas. Ça n'a pas fonctionné, il a dit non, et c'est correct », a indiqué M. Stella.

René Delarue, qui est également actionnaire de Purthanol, affirme pour sa part avoir rencontré Philippe Paul « deux ou trois fois » pour discuter d'un investissement dans un projet d'entreprise au Québec. M. Delarue indique que lors d'une de ces rencontres, Philippe Paul était accompagné de Kamal Lachine, un homme d'affaires du Liban dont le nom apparaît sur le site de Purthanol comme « chef du développement des affaires internationales ».

M. Lachine fait actuellement face à une accusation de fraude en lien avec une affaire de faux chèques et de documents contrefaits remontant à 2011. Son procès doit avoir lieu en 2018. Il n'a pas pu être joint par La Presse.

PROJETS AVORTÉS

René Delarue est quant à lui le propriétaire de Biocardel, une filiale que Purthanol a acquise en 2015. Biocardel avait obtenu en septembre 2010 une subvention de 18,7 millions accordée par le ministre des Ressources naturelles, Christian Paradis. Mais le Ministère n'a finalement versé que 3937 $ de la subvention, « car l'entreprise s'est révélée incapable de respecter les modalités de l'accord », a indiqué une porte-parole du ministère des Ressources naturelles, Tania Carreira Pereira, sans toutefois donner plus de détails.

Une autre filiale de Biocardel créée en Europe en 2007 par M. Delarue a récemment été condamnée par la Cour supérieure du Québec à payer plus de 185 000 $ à Olivier Watrin, un homme d'affaires du Luxembourg avec qui M. Delarue s'était associé. Selon le jugement, Biocardel devait y mettre sur pied une usine de biodiesel d'une capacité de 20 millions de litres, contre la somme de 1,7 million d'euros versée en partie par le Duché du Luxembourg.

La construction de l'usine n'a jamais été terminée, même si M. Delarue a touché plus de 1 million d'euros du gouvernement luxembourgeois. L'entreprise s'est récemment mise en faillite, étant incapable de verser la somme exigée par le jugement.

- Avec Daniel Renaud, La Presse