Le gouvernement Couillard éprouve des problèmes à lancer sa commission d'enquête sur l'espionnage des téléphones de journalistes par la police à cause de la grève de ses avocats et juristes, soutient le président de l'association des avocats et notaires de l'État québécois, Me Jean Denis.

« Décider si un juge de paix peut être cité à comparaître par une commission d'enquête, ce n'est pas évident. Pour moi, ils ne sont pas contraignables par une commission d'enquête », illustre Me Denis - le travail de conseil des juristes pour ce genre de questions est primordial, or ils sont en grève depuis le 24 octobre. Les 20 avocats « cadres » du ministère de la Justice, plus administrateurs que juristes, ne peuvent venir à la rescousse, estime le leader syndical. « Écrire le mandat d'une commission d'enquête n'est pas aussi simple qu'on peut le penser », résume-t-il.

Au gouvernement Couillard, on déclare que l'affirmation des juristes ne tient pas la route - la préparation de la commission progresse, mais compte tenu de sa complexité, elle ne pourra être annoncée cette semaine. Néanmoins, la grève des avocats a été évoquée comme un problème hier matin à la réunion mensuelle des sous-ministres. De rarissimes projets de loi sont prêts à déposer, la machine tourne à vide. Exceptionnellement, M. Couillard est venu rencontrer les mandarins.

DES PROJETS DE LOI BLOQUÉS

En conférence de presse, Me Denis a indiqué que la grève des juristes bloquait actuellement 17 projets de loi, 63 règlements qui attendent des rédacteurs. La décision de ne plus se rendre plaider les dossiers en cour a forcé le report de 1100 causes de toutes sortes ; des dossiers de victimes d'actes criminels, des dossiers d'impôts, de normes du travail, des causes de pension alimentaire et des cas de sécurité au travail, illustre-t-il.

Les demandes d'accès à l'information sont gelées ou « en panne », des dossiers à l'UPAC, à la SQ et à la Commission municipale sont en suspens.

« Le gouvernement devra porter l'odieux de l'impact de cette grève sur la population, des conséquences qui perdureront pendant plusieurs mois. » - Me Jean Denis, président de l'association des avocats et notaires de l'État québécois

Leur convention de travail est échue depuis mars 2015. Le fonds de grève des 1100 avocats et notaires sera épuisé fin novembre si aucun ajustement n'est apporté. Une réunion générale sera convoquée pour voir comment redistribuer cette assistance, mais les membres n'auront pas alors l'occasion de se prononcer à nouveau sur le mandat de grève, a précisé Me Denis.

La grève durera « autant de temps qu'on n'aura pas ce qu'on demande » ; voir les conditions de travail des juristes tranchées par un arbitre « pour respecter notre rôle particulier et crucial ». Les grévistes souhaitent avoir le même traitement que les procureurs de la Couronne. Me Denis convient qu'un tel changement aura des conséquences financières pour le gouvernement, même si l'arbitrage devra tenir compte de la capacité de payer du gouvernement.

Mercredi, à l'Assemblée nationale, le président du Conseil du trésor, Carlos Leitao, avait soutenu que Québec était disposé à négocier. « Une feinte » a soutenu Me Denis. Un coup de fil à la partie patronale a permis de vérifier que la position du gouvernement n'avait pas bougé d'un iota, a-t-il expliqué. Chaque jour, plusieurs dizaines de grévistes battent le pavé autour du parlement pour signifier leur mécontentement. Hier, l'association est allée porter une lettre au Cabinet du premier ministre Couillard pour rappeler ses doléances.