Les clients des grands réseaux de téléphonie cellulaire forcés de payer des frais d'itinérance élevés pour la transmission de données lors de voyages à l'étranger auront l'occasion de se faire entendre devant les tribunaux. La Cour d'appel a en effet autorisé hier un recours collectif intenté en leur nom.

Dans un jugement unanime, la Cour annule la décision de première instance du juge Michel Yergeau, qui avait rejeté la demande présentée par Inga Sibiga, une cliente québécoise de Fido. Celle-ci avait dû débourser 250 $ en frais de données après des vacances aux États-Unis, en septembre 2012.

Mme Sibiga avait utilisé à six reprises l'application Google Maps pendant son séjour au sud de la frontière, pour une consommation totale de près de 41 mégaoctets, au tarif de 6,14 $/Mo.

Dans sa requête pour obtenir l'autorisation d'exercer un recours collectif, déposée en janvier 2013, Mme Sibiga soutenait que les frais d'itinérance internationale exigés non seulement par Fido, mais aussi par Rogers Communications, Bell Mobilité et Telus Communications et leurs marques associées, violent la Loi sur la protection du consommateur et les dispositions du Code civil, car ils sont abusifs et excessifs et équivalent à une exploitation du consommateur.

Elle réclamait l'autorisation d'agir au nom de tous les consommateurs québécois ayant payé des frais d'itinérance pour les données à un taux supérieur à 5,00 $/Mo, après le 8 janvier 2010, soit trois ans avant le dépôt de sa requête.

À l'époque, les frais exigés par les grands opérateurs de téléphonie mobile variaient entre 5,00 $ et 10,24 $/Mo pour l'itinérance aux États-Unis et entre 5,00 $ et 31,20 $/Mo en France, selon une compilation produite en cour.

Le juge Yergeau avait rejeté les prétentions de Mme Sibiga, concluant notamment qu'elle n'avait pas l'intérêt pour agir au nom du groupe qu'elle prétendait représenter et qu'elle n'avait pas réussi à démontrer que les faits allégués justifiaient les conclusions qu'elle recherchait.

Factures de plusieurs milliers de dollars

Dans une décision des juges Nicholas Kasirer, France Thibault et Guy Gagnon, la Cour d'appel a infirmé hier le jugement de la Cour supérieure. Sous la plume du juge Kasirer, la Cour note que les sociétés de télécoms offrent des forfaits d'itinérance internationale «pour une fraction du montant facturé à l'appelante», qui n'avait pas acheté de tel forfait, ce qui constitue donc «une preuve prima facie [à première vue] que la valeur marchande du service qu'elle a obtenu était de loin inférieure au prix qu'elle a payé».

«C'est un dossier très important», dit l'avocat Bruce Johnston, de la firme spécialisée en recours collectifs Trudel Johnston & Lespérance, qui pilote le dossier. «On a remarqué que les compagnies de télécommunications ont commencé à baisser leurs prix de façon marquée après le dépôt du recours. Aujourd'hui, c'est une fraction de ce que c'était à l'époque.»

Maintenant qu'il a franchi l'étape de l'autorisation, le dossier devrait être entendu sur le fond en Cour supérieure d'ici deux ans, estime Me Johnston. Les sociétés poursuivies peuvent toutefois demander à la Cour suprême l'autorisation d'en appeler. Vu l'heure tardive, il n'a pas été possible de joindre les porte-parole de Rogers, Fido, Bell Mobilité et Telus pour connaître les intentions des télécoms.

Selon Me Johnston, certains clients ont été confrontés à des factures de plusieurs milliers de dollars. Sans s'avancer sur la somme totale des compensations qui pourraient être versées si sa cliente obtient gain de cause, il estime que «des centaines de milliers» de clients lésés pourraient profiter du recours collectif.