La firme de génie SNC-Lavalin et son partenaire d'affaires Innisfree intenteront aujourd'hui une poursuite de 330 millions contre le Centre universitaire de santé McGil (CUSM) et le gouvernement du Québec, afin d'être dédommagés pour des travaux supplémentaires et l'agrandissement de l'hôpital qu'ils jugent avoir été exigés tardivement, a appris La Presse.

La réclamation du Groupe infrastructure santé McGill (GISM) formé de SNC-Lavalin (60 %) et d'Innisfree (40 %) équivaut à près du quart du coût du contrat public de 1,3 milliard, accordé en 2010. Cette facture devait couvrir la conception, la construction, le financement et l'entretien pendant 30 ans du CUSM qui a été réalisé en partenariat public-privé (PPP).

Mais cela ne suffit pas, a-t-on confirmé jeudi chez SNC-Lavalin. D'ailleurs, depuis novembre 2014, des négociations ont été menées sans résultat avec le bureau du directeur exécutif, Clermont Gignac, responsable des projets de modernisation des hôpitaux universitaires (CUSM, CHUM et CHU Sainte-Justine) au nom du gouvernement.

Joint en début de soirée, le bureau de M. Gignac a indiqué que le dépôt d'une poursuite ne constitue pas une surprise, mais que les demandes du GISM sont « largement injustifiées ». On estime qu'un PPP est d'abord et avant un contrat de performance et que le partenaire privé doit donc en assumer le risque. Une réaction officielle sera communiquée aujourd'hui.

Du côté du GISM, on maintient que de nombreux changements exigés par le bureau de M. Gignac ou par le CUSM en cours de chantier auraient eu un impact financier important tant sur la construction que sur les coûts liés à l'entretien et à la gestion du CUSM jusqu'en 2044.

Ainsi, la pharmacie centrale du CUSM a doublé de superficie par rapport à ce qui était prévu au contrat initial. Cela s'explique notamment par le fait qu'en cours de chantier, on aurait réclamé que soit construite une deuxième suite cytotoxique, un secteur réservé à la préparation des médicaments liés au cancer. De même, le bloc opératoire a dû être redessiné à la suite de l'ajout d'un secteur appelé « noyau stérile ».

Selon SNC-Lavalin, ces modifications sont le fruit d'une mauvaise planification du côté gouvernemental. La conséquence se compte en mètres carrés : 5028 mètres carrés ont été ajoutés. Mais il y a plus, allègue SNC-Lavalin. Ces changements demandés à contretemps auraient perturbé les travaux, en plus d'entraîner les pertes financières pour le GISM.

INFORMATIONS TRANSMISES TARDIVEMENT

Le GISM reproche également au partenaire public d'avoir tardé à lui transmettre les informations sur les aménagements. Du coup, des travaux ont dû être repris en occasionnant des frais.

Par exemple, le contrat spécifie que le CUSM doit compter un ascenseur de grande dimension pour le transport des patients en traumatologie. Mais alors que le chantier était en marche, deux autres ascenseurs de ce type ont été exigés. Le chantier a été partiellement suspendu, le temps que les architectes et ingénieurs retournent à leur table à dessin. Selon SNC-Lavalin, l'impact de cette demande a coûté trois fois plus cher que le coût des ascenseurs.

Un autre exemple concerne la liste des équipements pour le bloc opératoire qui a été remise au GISM en janvier 2013, soit un an et demi après que les plans et devis eurent été achevés. Des circuits électriques ont dû être ajoutés.

Par ailleurs, le GISM aurait été surpris par l'écart entre le nombre de chaises, tables et autres éléments du mobilier général prévu au contrat et la réalité. Plutôt que d'avoir 5000 éléments à installer, c'est 50 000 qui ont été livrés. SNC-Lavalin souligne qu'il s'agit d'une augmentation de plus de 1000 % par rapport à ce dont les parties avaient convenu.

Parmi la longue liste des changements réclamés et effectués, SNC-Lavalin souligne qu'un grand nombre d'entre eux est issu des ateliers de consultation. Pour le GISM, il semble qu'il y ait eu « trop d'intervenants mal gérés » dans ce processus devant permettre de prendre en compte le fonctionnement de l'hôpital. En clair, des médecins se seraient tiraillés pour obtenir des espaces réservés à leur pratique. Le processus se serait prolongé au-delà de ce qui était prévu.

De plus, à cinq semaines de la date butoir de la « réception provisoire » (30 septembre 2014), c'est-à-dire la première étape de remise des bâtiments au gouvernement, le bureau de Clermont Gignac aurait donné 10 avis de changements des travaux.

Lorsque le gouvernement a lancé le projet du CUSM, en 2008, un budget de 1,1 milliard était prévu. Mais les offres reçues étaient nettement plus élevées, dépassant 1,5 milliard. Le gouvernement a entrepris de réviser le dossier et a établi, en 2010, un nouveau plafond budgétaire à 1,343 milliard.

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CHRONOLOGIE


Octobre 2008: Appel de proposition pour le CUSM en PPP ; coût prévu de 1,1 milliard

Janvier 2010: Le gouvernement révise son budget à 1,343 milliard

Mars 2010: Le GISM, formé de SNC-Lavalin et d'Innisfree, remporte le contrat

Juin 2010: Début des travaux du CUSM

Avril, mai et juin 2015: Déménagement des patients