Le gouvernement fédéral voit un autre dossier majeur atterrir dans sa table de travail : dans un jugement très attendu, la Cour fédérale a invalidé mercredi le nouveau régime de marijuana médicale et donné six mois à Ottawa pour adopter de nouvelles règles.

Dans l'affaire Allard, de la Colombie-Britannique, le juge Michael Phelan a conclu que l'interdiction faite aux patients de cultiver leur propre marijuana médicale contrevient à la Charte canadienne des droits et libertés du Canada.

La conséquence de cette décision est que les patients qui avaient déjà été autorisés à le faire sous l'ancien régime pourront faire pousser leur propre marijuana médicale, mais également que l'ensemble du nouveau régime adopté sous les conservateurs est déclaré invalide.

Le gouvernement Harper a mis en oeuvre au cours des dernières années un nouveau système par lequel il a retiré la production de marijuana médicale  des mains de particuliers pour la confier à des entreprises autorisées, créant du coup une nouvelle industrie potentiellement lucrative au Canada.

Les quatre demandeurs, des patients qui ont recours à cette substance pour traiter leur condition médicale, faisaient valoir que cette situation contrevenait à certains de leurs droits garantis par la Charte puisqu'elle pourrait augmenter leurs coûts d'approvisionnement et limiter leur capacité de contrôler la nature de la marijuana consommée.

La Cour leur a donné raison : « L'accès des demandeurs au cannabis à des fins médicales n'a pas été amélioré sous [le nouveau régime]. La restriction selon laquelle les demandeurs doivent acheter auprès de producteurs autorisés entraîne aussi une détérioration de la santé et de la sécurité des demandeurs. »

Le juge Phelan a précisé qu'il « ne serait pas possible ni efficace de radier certains termes ou certaines dispositions » de ce récent règlement fédéral. 

« La solution appropriée à la suite de la déclaration d'invalidité du [nouveau régime], consiste à suspendre l'application de la déclaration d'invalidité afin de permettre au Canada d'adopter un nouveau régime ou un régime parallèle de marijuana à des fins médicales », a conclu le magistrat.

Le juge a limité la possibilité de cultiver de la marijuana à ceux qui avaient déjà été autorisés à le faire en vertu d'une ordonnance rendue le 21 mars 2014 par la Cour fédérale.

Réticences de Bill Blair

Ce jugement survient le même jour où Bill Blair, le député chargé par le gouvernement libéral de superviser le dossier de la légalisation de la marijuana récréative, s'est montré réticent à s'engager à ce que la substance soit ainsi légalisée avant les prochaines élections.

M. Blair a comparu devant le caucus des sénateurs libéraux mercredi matin pour discuter de cette réforme. Il a noté que si la promesse des libéraux va dans le sens d'une légalisation adoptée au cours du présent mandat, il a ajouté qu'il y avait beaucoup de travail à faire.

« L'engagement de mon gouvernement a été clairement exprimé dans le discours du Trône. Le premier ministre l'a établi clairement, que c'est l'engagement de ce gouvernement de légaliser et de réglementer la marijuana et de restreindre la marijuana dans ce mandat. Nous travaillons fort pour atteindre [cet objectif] », a-t-il déclaré.

La démarche pourrait-elle prendre plus de quatre ans, lui ont demandé des journalistes au terme de la rencontre.

« Je ne veux pas spéculer », a-t-il répondu, précisant que ce n'était pas à lui de prendre un tel engagement puisqu'il agit dans ce dossier en tant que représentant de la ministre de la Justice.

« Il y a beaucoup de travail à faire et nous allons le prendre le temps de bien le faire. J'espère être en mesure de le faire le plus rapidement possible, mais je ne spéculerai pas sur les délais », a-t-il déclaré.