Une plainte a été déposée contre la juge Michèle Toupin devant le Conseil de la magistrature concernant la transaction immobilière qu'elle a réalisée avec son mari durant le procès de ce dernier pour arnaque financière, a appris La Presse.

La plainte a été transmise le 12 février par le citoyen Jean-Pierre Lussier, de Montréal, qui se dit choqué par les agissements de la juge. La plainte sera entendue par le Conseil à sa prochaine réunion, à la mi-mars. Le Conseil jugera alors s'il y a lieu d'accueillir la plainte ou non.

Rappelons que le mari de la juge, Jean-Pierre Desmarais, a été condamné à 18 mois de prison et à 345 000 $ d'amende le 20 janvier. L'avocat de formation avait été reconnu coupable d'avoir participé à une collecte illégale de fonds pour le compte d'une organisation qui promettait des rendements annuels de 150 %, avec capital garanti.

Or, en plein coeur de son procès, à l'automne 2014, Jean-Pierre Desmarais a cédé la part de sa maison familiale à sa femme, la juge Toupin, a révélé La Presse. La transaction a été faite contre une contrepartie imprécise. De plus, elle rend la résidence de 1,5 million plus difficile à saisir par d'éventuels créanciers en cas de défaut de paiement.

Plainte reçue

Le Conseil de la magistrature ne peut pas commenter l'affaire ni même confirmer s'il y a eu plainte ou non contre la juge Toupin, puisqu'un tel processus est confidentiel jusqu'au moment des audiences disciplinaires, s'il y a lieu. La Presse a toutefois obtenu la plainte, de même que l'accusé de réception de la secrétaire du Conseil, Fernande Rousseau.

Si la plainte est accueillie, un comité sera formé pour coordonner l'enquête disciplinaire. Une fois l'enquête terminée, la plainte peut être jugée fondée ou non fondée. Deux sanctions peuvent être recommandées pour une plainte fondée : une réprimande au juge ou sa destitution.

Par ailleurs, La Presse a noté un autre élément particulier dans l'acte notarié de la transaction immobilière du couple Desmarais-Toupin : le prix indiqué pour racheter la quote-part de 50 % de monsieur, soit 1,15 million, ne reflète pas la contrepartie qui y est décrite.

L'acte fait référence à deux éléments distincts comme contrepartie. D'une part, la juge Toupin renonce au bénéfice de polices d'assurance-vie de 305 000 $ et d'autre part, elle prend en charge l'hypothèque de 851 050 $ sur la propriété.

L'addition des deux éléments donne bien le prix de 1,15 million indiqué, mais le hic, c'est que la juge Toupin était déjà responsable de la moitié de l'hypothèque, selon les documents notariés. Autrement dit, elle ajoute plutôt à sa charge la moitié de l'hypothèque de son mari, soit 425 500 $, et non la totalité de 851 050 $. La transaction totalise donc 730 525 $ et non 1,15 million.

« Le prix ne concorde pas avec la contrepartie. La transaction semble avoir été bâclée », dit l'avocat en droit immobilier Christian Drapeau.

Remplacement

Le 12 février, lendemain des révélations de La Presse, la juge en chef de la Cour du Québec, Élizabeth Corte, a annoncé le remplacement de Michèle Toupin dans son rôle de coordonnatrice de la région Laval-Laurentides-Lanaudière-Labelle (LLLL).

Selon un communiqué de la Cour du Québec, la juge Toupin avait fait part le 30 novembre 2015 de son intention de mettre fin à son mandat de coordination le 31 mars 2016. La Cour du Québec dit avoir entrepris des démarches pour ce faire avant le verdict de prison du 20 janvier et avant l'article du 11 février.

Dans le décret gouvernemental de juillet 2015, il est indiqué que le mandat de coordination de la juge devait se prolonger jusqu'au 31 décembre prochain.

La juge Toupin, qui travaille à Saint-Jérôme, suit de près le dossier de son mari Jean-Pierre Desmarais. Le 8 janvier en après-midi, elle était présente en Cour supérieure, à Longueuil, lors des courtes audiences pour les procédures d'appel de son conjoint, qui n'était pas présent. Au moment d'écrire ces lignes, Michèle Toupin n'avait pas rappelé La Presse.