Un comité d'enquête responsable de faire la lumière sur la conduite d'un juge de la Cour supérieure du Québec a recommandé, jeudi, que ce dernier soit démis de ses fonctions.

L'ancien avocat Michel Girouard avait été nommé magistrat en septembre 2010 après avoir pratiqué le droit pendant 25 ans en Abitibi-Témiscamingue.

Mais des allégations selon lesquelles M. Girouard aurait acheté de la drogue auprès d'un informateur de la police alors qu'il était encore avocat ont poussé l'ex-juge en chef de la Cour, François Rolland, à demander au Conseil canadien de la magistrature d'enquêter à ce sujet en 2012.

Dans une décision rendue jeudi, les trois membres du comité d'enquête ont statué à deux contre un en faveur du congédiement de Michel Girouard, après avoir examiné les preuves soumises en mai.

Ce jugement ne découle pas des allégations concernant l'achat d'une substance illicite - qui, selon les juges, n'ont pas été prouvées - mais plutôt du témoignage contradictoire donné par M. Girouard durant les audiences, qu'ils ont interprété comme une tentative pour les induire en erreur.

La vidéo en circuit fermé avait été enregistrée dans un club vidéo appartenant à un homme accusé dans le cadre du «Projet Écrevisse» de la Sûreté du Québec (SQ), une enquête liée à la drogue.

L'accusé, Yvon Lamontagne, était un client de M. Girouard dans une autre affaire, concernant ses impôts. L'ancien avocat n'a pas été visé par l'enquête de la SQ et il a témoigné qu'il n'avait jamais consommé ou acheté de drogue.

M. Girouard a reconnu que la vidéo paraissait mal pour lui, mais il a assuré qu'il avait versé de l'argent à M. Lamontagne pour des films pour adultes qu'il s'était déjà procurés et que son client lui avait remis en retour une note sur ses démêlés avec les impôts.

Deux membres du comité ont conclu que «plusieurs contradictions, incohérences et invraisemblances» remettaient en question la crédibilité du juge.

«Décidément, le maintien du juge Girouard à la Cour supérieure du Québec serait la cause, selon nous, d'une érosion de la confiance du public envers tout le système judiciaire», écrivent le juge en chef de la Cour fédérale, Paul Campton, et Ronald LeBlanc, avocat québécois.

«Malgré le dossier impeccable du juge Girouard alors qu'il était magistrat, nous serions d'avis de recommander la révocation du juge Girouard», poursuivent-ils.

Ils croient que M. Girouard ne mérite pas de s'expliquer dans une nouvelle audience, contrairement au juge en chef du Manitoba et président du comité, Richard Chartier.

Le juge Chartier croit que M. Girouard ne devrait pas être puni pour quelque chose qu'il n'a pas fait.

«Selon moi, l'équité procédurale exige, s'il existe une preuve suffisante d'inconduite, que soit accordée au juge Girouard une occasion pour répondre aux nouvelles préoccupations soulevées par mes collègues», a-t-il écrit.

Les conclusions ont été soumises au Conseil, qui transmettra les recommandations à la ministre fédérale de la Justice.

Michel Girouard, qui a été suspendu avec salaire depuis janvier 2013, a affirmé dans un communiqué qu'il saisirait l'occasion de plaider sa cause une dernière fois avant que la ministre ne reçoive les recommandations, et a rappelé qu'un des membres du comité avait plaidé en sa faveur.

«Considérant que le comité a rejeté toutes les allégations contre le juge Girouard, et étant donné les divergences importantes exprimées dans le rapport, il s'adressera aux instances compétentes pour soumettre ses arguments et faire valoir ses droits», a écrit son avocat Gérald Tremblay.