C'est une enquête « Mister Big » qui a permis, il y a huit ans, d'arrêter et de faire condamner Michel Laflamme pour le meurtre de sa femme enceinte. Cette même enquête a l'effet contraire aujourd'hui : elle lui rend sa totale liberté.

Dans un jugement coup de massue rendu hier, la Cour d'appel a annulé le verdict de culpabilité rendu par un jury en 2010 et a ordonné l'arrêt définitif des procédures. Laflamme, 61 ans, sortira donc libre de prison, si ce n'est déjà fait.

La Cour d'appel estime que les enquêteurs ont utilisé des techniques inacceptables en 2008 pour amener Laflamme à avouer le meurtre de sa femme, commis plus de 30 ans auparavant.

L'enquête Mister Big est une technique policière qui consiste à introduire petit à petit un suspect dans une prétendue organisation criminelle, dans le but de gagner sa confiance et de l'amener ultimement à dévoiler ses crimes au grand patron de l'organisation. 

Cette technique a fait ses preuves et a permis des condamnations pour meurtre dans le passé. Mais voilà, en 2014, la Cour suprême a restreint l'admissibilité des preuves recueillies grâce à ce type d'opération. La Cour d'appel y a trouvé application dans le cas de Laflamme, en raison de scénarios montrant de la violence.

Précisons qu'il s'agit de violence d'apparence seulement, puisque les « victimes », dans ces scénarios, sont des policiers. N'empêche, elles peuvent créer une forte impression sur l'individu.

La Cour d'appel n'ordonne pas d'autre procès, car il n'y a pas d'autre preuve que les aveux.

Aveux

La femme de Laflamme, Carmen Waltz, 22 ans, a été trouvée morte dans leur voiture, le 4 décembre 1976, dans le stationnement d'un centre commercial de Beloeil. Elle était mère d'une fillette de un an et demi et était enceinte de huit mois. C'est Laflamme qui a alerté des passantes, disant avoir trouvé sa femme ainsi. Bien qu'il ait été soupçonné, il n'a jamais été accusé, et le meurtre est resté non élucidé pendant des décennies. Jusqu'à l'enquête Mister Big, qui s'est déroulée du 28 novembre 2007 au 9 avril 2008.

Le dernier jour de l'enquête, Laflamme a avoué au prétendu grand patron que c'est lui qui avait étranglé sa femme dans leur maison. Il avait ensuite mis le corps dans la voiture et avait conduit jusqu'au centre commercial, avec leur fillette à bord. Il s'était rendu au Canadian Tire avec l'enfant et était revenu à la voiture pour simuler la découverte.

Lors de son procès, en 2010, Laflamme soutenait avoir fait de faux aveux, par crainte. Mais le jury l'a déclaré coupable du meurtre prémédité de sa femme, ce qui lui a valu la prison à vie.

Condamné pour avoir tenté de tuer sa troisième femme

Il est à noter que Laflamme a été condamné en 1996 pour avoir tenté de tuer sa troisième femme, avec l'aide de sa maîtresse (qui est devenue sa quatrième femme par la suite). Laflamme, unique héritier de sa femme, espérait toucher l'assurance vie de 370 000 $. Sa maîtresse Nathalie Patry et lui ont écopé six ans de prison. Laflamme avait obtenu de la Cour d'appel la tenue d'un nouveau procès, au terme duquel il avait également été déclaré coupable. Sa maîtresse avait avoué le complot.

Chronologie des événements

4 DÉCEMBRE 1976

Carmen Waltz, enceinte de huit mois, est trouvée morte dans sa voiture.

9 AVRIL 2008

Au cours d'une opération Mister Big, Michel Laflamme avoue avoir étranglé sa femme, 32 ans auparavant.

10 FÉVRIER 2010

Laflamme est déclaré coupable au terme de son procès. Il fait appel.

21 SEPTEMBRE 2015

La Cour d'appel ordonne l'arrêt des procédures.