Des centaines d'avocats réunis en assemblée générale ont réitéré leur confiance envers la bâtonnière suspendue Lu Chan Khuong, lundi soir, dans la foulée de sa suspension de la tête de l'ordre professionnel.

Un groupe d'avocats a exigé la tenue de la réunion - une première dans les 150 ans d'histoire du Barreau - afin de discuter de propositions d'appui à Me Khuong.

Les quelque 1000 membres présents ont réitéré à 68,5% leur confiance envers Me Khuong, après un court débat où la majorité des intervenants ont pris la même position.

«Je peux vous dire que je vais considérer le vote dans ma réflexion, a expliqué la bâtonnière suspendue, en remerciant les participants de s'être déplacés. Je suis totalement prête à retravailler avec le conseil d'administration.»

«Je ne m'attendais certainement pas à un tel résultat, je suis très heureuse d'entendre ce que mes membres avaient à me dire, a-t-elle ajouté. Je sais ce que mes membres veulent.» Elle a dit espérer que ses opposants fassent une «bonne réflexion» à la suite de l'assemblée générale, en vue d'un «dénouement rapide».

De l'autre côté du débat, le porte-parole du conseil d'administration du Barreau n'a pas voulu indiquer ce qu'il adviendrait de la proposition adoptée par l'assemblée générale.

«Nous vous avons entendus», a affirmé Louis-François Asselin, vice-président du Barreau, à l'assemblée. «Nous traiterons de cette question à notre prochaine réunion du conseil d'administration, qui se tiendra très bientôt, dans les prochains jours.» Il a toutefois affirmé que tant la bâtonnière suspendue que les administrateurs attendent actuellement un jugement de la Cour supérieure à la suite d'une audience survenue la semaine dernière à Québec.

Lu Chan Khuong est dans la tourmente depuis le mois dernier, alors que La Presse a révélé qu'elle avait fait l'objet d'une plainte à la police pour vol à l'étalage, en avril 2014. Le dossier avait toutefois été déjudiciarisé, ce qui avait évité la tenue d'un procès. Me Khuong a toujours nié avoir commis quelque acte répréhensible que ce soit et plaide une simple erreur d'inattention.

Lundi, elle a réitéré son offre de démissionner de son poste à condition que tous les autres membres du conseil d'administration fassent de même, de façon à déclencher des élections générales. Ses vis-à-vis n'ont pas réagi directement à cette possibilité.

L'immense salle du Sheraton Laval, bondée d'avocats, s'est aussi exprimée en majorité en faveur d'une enquête disciplinaire sur la possibilité que des avocats aient eu des comportements inadéquats dans cette affaire, ainsi que d'une enquête ministérielle sur la fuite d'information.

Des têtes d'affiche en renfort

La bâtonnière suspendue s'est attiré l'appui de plusieurs avocats de renom au cours de l'assemblée générale de lundi soir.

«Je ne me reconnais plus dans les agissements de mon C.A., a affirmé Jean-Pierre Ménard, spécialiste du droit médical. Ce conseil-là est en train de développer un processus de fuite à l'avant qui est absolument incompatible avec toutes les valeurs qu'on a développées et qu'on tente d'appliquer comme avocats. On a commencé une entreprise de délégitimation, de destruction de la réputation.»

Son confrère Julius Grey était du même avis. «La bâtonnière a-t-elle perdu sa légitimité? Bien sûr que non. Depuis quand est-ce qu'on perd sa légitimité sur de simples soupçons?», s'est-il interrogé à haute voix.

«On sait pertinemment que cette histoire est une job de bras, on sait qui est derrière ça, a ajouté Anne-France Goldwater. On sait que tout ça, nous payons le compte pour un règlement de compte politique à l'égard du mari de Me Khuong, Me [Marc] Bellemare [l'ancien ministre libéral de la Justice]. Elle a manifestement fait l'erreur de tomber en amour avec quelqu'un, parce qu'il n'y a rien qui peut expliquer un tel acharnement.»

Le Barreau du Québec est l'ordre professionnel qui encadre la pratique des quelque 24 000 avocats de la province.