Une coalition de groupes de défense des droits civils conteste la validité de nouvelles dispositions de la loi C-24 qui permettent maintenant au gouvernement fédéral de révoquer la citoyenneté de certains Canadiens qui détiennent une double nationalité, afin de lutter contre le terrorisme.

L'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique et l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés soutiennent que les réformes à la Loi sur la citoyenneté créent un «régime à deux vitesses», où certains Canadiens ont moins de droits que les autres. Un tel régime va à l'encontre des valeurs canadiennes et pourrait toucher des millions de personnes, au-delà de celles directement visées par le gouvernement, plaident les deux organismes.

Les réformes à la Loi sur la citoyenneté, entrées en vigueur en mai, priveront de leur citoyenneté les Canadiens détenant une double nationalité qui ont été condamnés, au pays ou à l'étranger, pour activités terroristes, trahison ou espionnage. De l'aveu même du gouvernement conservateur, ces réformes ciblent avant tout les Canadiens qui partent à l'étranger afin de participer aux activités de groupes terroristes ou armés - notamment le djihad au Moyen-Orient.

Or, un Canadien détenant la double nationalité qui serait condamné pour un de ces crimes perdrait sa citoyenneté canadienne, contrairement à un Canadien sans double nationalité, qui ne peut «perdre» sa citoyenneté.

Les associations qui contestent la constitutionnalité de cette loi, en vertu de la Charte des droits et libertés, affirment que plusieurs articles, passés un peu inaperçus, risquent aussi de limiter la liberté de mouvement de citoyens détenant une double nationalité qui n'ont rien à se reprocher.

Ils citent en particulier un article «rédigé de façon ambiguë» qui force un citoyen naturalisé à déclarer son «intention, s'il obtient la citoyenneté, de continuer à résider au Canada». Or, cet article flou, estiment les organismes, permettrait au gouvernement canadien d'accuser de fausse déclaration un citoyen qui séjournerait à l'étranger pour une longue période de temps - par exemple pour aller à l'université ou prendre soin d'un proche malade. Ottawa pourrait alors retirer sa citoyenneté à ce Canadien ayant la double nationalité.

Les organismes craignent aussi que ces Canadiens aient de la difficulté à contester leur révocation, car les règles ont aussi été changées. Auparavant, le Canadien à la double nationalité qui était menacé de perdre sa citoyenneté pouvait contester la décision du ministère devant un juge. Dorénavant, ce citoyen dispose de 60 jours pour contester la décision par écrit, et ce sont des fonctionnaires qui décideront ultimement de son sort, a soutenu Lorne Waldman, de l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés.

M. Waldman rappelle aussi le caractère parfois douteux de certaines condamnations pour terrorisme prononcées à l'étranger, qui serviraient ensuite de fondement à une révocation de la citoyenneté canadienne. Il cite notamment le cas de Mohamed Fahmy, journaliste canado-égyptien condamné au Caire à l'issue d'un processus judiciaire qualifié à peu près unanimement de procès politique et injuste. Les néo-démocrates ont d'ailleurs arraché du gouvernement conservateur l'engagement formel de ne pas embêter M. Fahmy avec ces nouvelles dispositions lorsqu'il pourra rentrer au pays.

Le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration n'a pas répondu à une demande de commentaires sur la contestation judiciaire.

La constitutionnalité des amendements adoptés avait déjà été contestée par des avocats torontois, en octobre, mais la Cour fédérale a rejeté le recours au début de l'année. Cette fois-ci, les demandeurs veulent axer leur contestation sur la Charte des droits et libertés plutôt que sur des arguments constitutionnels plus techniques, a expliqué le directeur de l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, Josh Paterson.