L'avocat mandaté par Québec pour négocier une entente de remboursement avec l'ex-présidente du Tribunal administratif (TAQ), Hélène De Kovachich, était rémunéré 385 $ de l'heure.

Le processus de négociation a duré exactement 33 heures et 25 minutes.

Pour l'équivalent d'une semaine de travail, la facture expédiée par l'avocat Jean-François Munn, de la firme Loranger Marcoux, s'est donc élevée à 12 795 $, selon les documents obtenus par La Presse Canadienne en vertu de la loi d'accès à l'information.

Depuis 2010, cette même firme, qui a un lien contractuel avec le TAQ, a facturé près d'un quart de million de dollars au gouvernement pour ses services.

Le mandat confié par le tribunal administratif à Me Munn consistait à récupérer les 214 000 $ de fonds publics ayant servi à des fins privées, en vue de défrayer les frais d'avocat engagés par Mme De Kovachich dans une cause personnelle.

L'entente entre les deux parties, annoncée le 27 mars par voie de communiqué, prévoit que Mme De Kovachich devra en fait rembourser moins de la moitié de la somme due, soit 100 000 $. La différence devra donc être assumée par les contribuables.

Même s'il s'agit de fonds publics, les détails de l'entente demeurent secrets. On ne sait donc pas quand ni à quel rythme le remboursement à l'État sera effectué, le règlement conclu entre les parties étant classé confidentiel.

Me Munn a un lien contractuel avec le TAQ depuis 2010, au moment où Mme De Kovachich présidait l'organisme.

La question de la nécessaire indépendance du négociateur pour mener à bien sa tâche avait été soulevée lors de l'étude des crédits du ministère de la Justice, le 5 mai dernier, à l'Assemblée nationale.

«Le contrat de Me Munn a été retenu en 2010, donc Mme De Kovachich était présidente à l'époque et a recouru aux services de Me Munn pour des problèmes spécifiques de relations de travail au TAQ», avait précisé le président actuel du tribunal, Mathieu Proulx, en réponse aux questions du député péquiste Alexandre Cloutier sur les liens d'emploi de l'avocat avec l'organisme, et par ricochet avec la présidente.

M. Proulx a soutenu que l'indépendance de Me Munn ne faisait aucun doute à ses yeux, qu'il avait toute sa confiance et qu'au moment de désigner un négociateur il n'avait vu aucune «raison de recourir à une autre personne» que lui pour remplir ce mandat.

Les relations de travail sont la spécialité de Me Munn, qui a agi notamment comme négociateur en chef du gouvernement Charest, de 2003 à 2007, lors des négociations pour le renouvellement des conventions collectives du secteur public.

Depuis 2010, la firme de Me Munn a reçu du TAQ trois mandats qui lui ont rapporté au total 245 791 $.

L'entente de services entre le TAQ et la firme devait durer trois ans, mais elle a été prolongée de deux ans supplémentaires, jusqu'en octobre 2015, a indiqué la porte-parole de l'organisme, Gisèle Pagé.

Au cours des cinq dernières années, la firme a expédié une facture au TAQ chaque année, pour des montants allant de 27 747 $ à 82 795 $.

Dans la tourmente, Mme de Kovachich avait démissionné de son poste de présidente en mai 2013, mais elle était demeurée juge au TAQ.

En février 2014, le vérificateur général jugeait dans un rapport accablant que l'ex-présidente du TAQ avait manqué de prudence en liant un litige personnel à ses activités professionnelles. Il estimait qu'elle avait manqué de transparence dans la gestion des fonds publics. Par la suite, le Conseil de la justice administrative jugeait à son tour qu'elle s'était placée en conflit d'intérêts en utilisant des fonds publics dans une cause personnelle.

Après avoir été suspendue pendant six mois sans solde, elle a pu réintégrer ses fonctions de juge administrative au TAQ en mai dernier. Dans l'intervalle, son salaire annuel est passé de 123 512 $ à 140 117 $.