Le juge Michel Déziel, qui admet avoir servi d'intermédiaire pour transmettre du financement politique illégal en 1997, pourra vraisemblablement garder son poste. Après avoir tranché hier que ce geste ne le rendait pas inapte à siéger, un comité d'enquête du Conseil canadien de la magistrature a décidé de laisser tomber son deuxième chef d'allégation, ce matin.

Le comité considère donc la version de l'organisateur politique Gilles Cloutier d'invraisemblable.

L'enquête du Conseil canadien de la magistrature a été ouverte dans la foulée du témoignage de Gilles Cloutier devant la commission Charbonneau, en mai 2013. Ce dernier a relaté avoir reçu un coup de fil de Michel Déziel en octobre 1997 à l'époque où il était avocat et organisateur en chef du parti Action civique Blainville. Selon Gilles Cloutier, Michel Déziel lui aurait alors demandé s'il pouvait «changer 30 000 $ en 750$», c'est-à-dire trouver des prête-noms pour verser de fausses contributions politiques de 750$, la limite permise par la loi.

Le juge Déziel nie cette version de faits. Il a cependant reconnu avoir servi d'intermédiaire pour transmettre une somme d'environ 30 000 $ provenant de la firme de génie Dessau au parti Action civique de Blainville, lors des élections municipales de 1997. En vertu de la loi électorale, les entreprises ne peuvent pas financer les partis politiques.

Hier, le comité d'enquête a déterminé que ce geste constituait « un manquement à l'honneur et à la dignité de la magistrature », mais qu'il ne méritait pas une révocation du juge de la Cour supérieure de Laval.

C'est l'avocate indépendante Suzanne Gagné qui représente l'intérêt public dans cette affaire et qui était mandatée pour présenter la preuve au comité.

Me Gagné estime qu'il n'est pas du tout vraisemblable, à la lumière de l'étude de la liste des 39 donateurs de 750$, que Cloutier ait pu trouver suffisamment de prête-noms pour transformer en chèques la totalité du 30 000 $. « Mathématiquement, son récit ne fonctionne pas », a-t-elle dit.

Elle a cependant reconnu qu'il est vrai que sept membres de la famille de Gilles Cloutier se retrouvaient dans la liste de donateurs, alors que Cloutier ne participait pas à l'organisation de la campagne.

« Ce qui me paraît destructeur quant au témoignage de Cloutier, c'est que plusieurs des candidats à l'élection sont dans la liste des donateurs (de 750$) ... Ça tombe sous le sens que s'ils avaient besoin de se faire rembourser leur contribution, elles n'avaient pas besoin de M. Cloutier .»

Depuis 1971, seulement huit comités d'enquêtes ont été mis sur pied par le Conseil canadien de la magistrature. Une fois le rapport du comité en main, le Conseil de la magistrature fera ses recommandations au ministre canadien de la Justice. Pour destituer un juge, la Chambre des communes et le sénat doivent adopter une résolution commune.