Un pâtissier passé à tabac par la mafia a renvoyé deux jours plus tard une employée italo-montréalaise en dénigrant ses origines, a déploré le Tribunal des droits de la personne. Le juge a accordé à cette dernière des dommages de 7000$.

Le propriétaire de la Pâtisserie De Gaulle, dans le Mile End, a imposé un «congédiement discriminatoire» à Pina Baldassarre lorsqu'il l'a renvoyée en la traitant d'Italienne «de merde», selon la version retenue par le tribunal.

Ce n'était pas la première fois que l'homme lui lançait des insultes racistes.

De Gaulle Helou, pâtissier franco-libanais, a été attaqué le 16 avril 2010 dans sa pâtisserie par de présumés hommes de main de la pègre. Il a été rudoyé et des méfaits ont été commis dans son commerce de la rue Saint-Viateur. Dans les mois suivants, ses vitrines seront fracassées à deux reprises.

Le 18 avril 2010, il congédie une employée de longue date, Mme Baldassarre. «Pina, t'es virée, j'en ai assez des Italiens, des merdes d'Italiens, t'es virée. Dehors!», aurait-il dit, selon la principale intéressée.

Le juge Scott Hughes a retenu cette version et rejeté celle du pâtissier, qui nie complètement avoir proféré des insultes racistes. Le magistrat a rendu son jugement à la fin du mois de janvier.

«L'agression dont monsieur Helou a été victime a provoqué chez lui un sentiment de crainte et de révolte à l'égard de la communauté italienne», a écrit le tribunal. «Mais l'épreuve qu'il a subie ne l'autorisait pas à congédier madame Baldassarre pour le motif que son origine nationale était la même que celle de ses agresseurs présumés.»

Dans les semaines précédant le congédiement, il aurait traité Mme Baldassarre de «niaiseuse d'Italienne», après avoir eu des propos désobligeants sur son physique.

Le juge a estimé que la femme avait été victime de harcèlement discriminatoire et d'un congédiement discriminatoire.

En entrevue téléphonique avec La Presse, Pina Baldassarre s'est dite satisfaite de la décision du tribunal.

«C'est le principe qui est important», a-t-elle dit. «J'ai travaillé fort pour cette personne, j'ai pratiquement redémarré son commerce. [...] Son comportement était complètement non professionnel et pas éthique.»

Elle n'a pas voulu s'étendre sur la question. «Ce qui est fait est fait et un jugement a été rendu, a-t-elle dit. Moi, je suis quelqu'un qui tourne la page et qui continue sa vie.»

«Je ne l'ai jamais insultée»

Pour sa part, le pâtissier De Gaulle Helou a déploré que le juge Hughes n'ait pas retenu sa version des faits. «Il s'est trompé complètement, a-t-il dit. Je ne comprends pas comment un juge peut ne pas prendre un mot de tout ce que j'ai dit [en cour], mais accepter tout ce que [Mme Baldassare] a dit.»

«Je ne l'ai jamais insultée et je n'ai jamais insulté personne», a-t-il plaidé.

Selon M. Helou, il s'agit d'une invention totale de son ex-employée frustrée. «Elle a provoqué tout ça, et après, elle a shooté [des plaintes] partout pour ramasser des sous», a-t-il expliqué. Il a plaidé que le principal témoin qui corrobore les dires de Mme Baldassarre est un ex-partenaire d'affaires frustré.

Le président du comité antidiffamation du Congrès national des Italo-Canadiens, Tony Sciascia, s'est félicité de voir qu'un membre de la communauté avait défendu son honneur jusque devant le Tribunal des droits de la personne. Il s'agirait d'une première.

«Il ne faut pas confondre la communauté italienne et la mafia», a-t-il dit au téléphone. «Je crois que la décision va envoyer un message assez clair - pas juste pour les Italo-Québécois - qu'on ne peut pas traiter le monde de cette façon. Il faut avoir du respect.»

Selon M. Sciascia, des membres de la communauté italienne à Montréal sont souvent victimes de discrimination depuis quelques années.