Faute de soins, 14 des 15 bovins d'une ferme de Saint-Ubalde sont morts enlisés dans leur fumier à l'hiver 2012. Les poules sont mortes également. La productrice, Véronique Trottier, vient d'être déclarée coupable en Cour du Québec de ne pas avoir disposé des viandes non comestibles (cadavres) en vertu du Règlement sur les aliments.

Mme Trottier, propriétaire de la ferme Philonique, a soutenu lors de son procès qu'elle ignorait tout de la situation. Elle élevait des veaux de boucherie, et le soin des animaux incombait à son mari, Philippe Lavallière. Elle a soutenu que, pendant des mois, son mari avait «maquillé» la situation pour lui faire croire que tout allait bien. Mais le juge François Kouri estime que Mme Trottier s'est «plutôt comportée comme une personne insouciante et inconsciente».

Une seule bête en vie

C'est un spectacle de désolation qui s'est offert aux inspecteurs du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, le 22 février 2012, lorsqu'ils se sont présentés à l'étable louée par la Ferme Philonique. «À l'intérieur du bâtiment, ils constatent la présence d'ossements et de cadavres de bovins, tous à des stades différents de décomposition. [...] Ils sont tous gelés et la majorité figés à même le sol. Certains sont même enfoncés dans le fumier et la terre», a noté le juge Kouri dans la décision qu'il a rendue en juin. Une seule bête était encore en vie, mais elle faisait peine à voir.

Sept mois sans aller à l'étable

Mme Trottier a lancé son entreprise, la Ferme Philonique, en 2007. Pour loger ses bêtes, elle a loué une étable à 1,5 km de sa maison.

À son procès, elle a soutenu que sa dernière visite à l'étable remontait à juillet 2011, soit sept mois avant la venue des inspecteurs du MAPAQ. Elle a expliqué que, après un congé de maternité, en mai 2011, elle avait recommencé à travailler dans une ferme de recherche animale et était devenue déléguée syndicale. Elle devait aussi s'occuper de ses deux enfants. Elle voyait au volet administratif de sa ferme et son mari soignait les bêtes.

Mais l'homme aussi avait d'autres occupations. Il était partenaire de son père dans une ferme laitière et s'occupait lui aussi de ses enfants.

Débordé

Selon le récit de M. Lavallière, il s'est senti débordé par l'ampleur de la tâche à l'automne 2011. Il a commencé à espacer ses visites à la ferme de sa femme. Une première vache s'est enlisée dans le fumier, probablement en novembre. Puis la situation s'est dégradée.

M. Lavallière a soutenu qu'il avait caché le tout à sa femme et qu'il avait même acheté des oeufs non lavés chez un producteur afin de les rapporter à la maison pour faire croire que les poules étaient toujours en vie.

Mme Trottier affirme qu'elle n'a appris ce qui se passait qu'en février 2012, quand le MAPAQ s'en est mêlé. Elle soutient qu'elle en a été anéantie et qu'elle a exigé un rapport «écrit» de son mari.

«Il me disait que ç'avait commencé en novembre. Une vache était embourbée dans le fumier. Le mois suivant, il y en a eu deux autres. Après, il y a eu de la pneumonie. Après, il y en a eu d'autres, qui tombaient sur le côté. [...] En février, il a voulu donner la mort au dernier bovin, vu qu'il était dans un sale état», a raconté avec peine Mme Trottier lors de son procès.

Questionnée par la Couronne, Mme Trottier a admis qu'elle savait que le fumier n'avait pas été ramassé à l'automne et qu'ils fonctionnaient «sur accumulation.» Cette méthode nécessite l'ajout de litière sur le fumier, afin de garder les animaux au sec, a-t-elle expliqué.

Dépression

Après avoir reçu un constat d'infraction, le couple a mis deux semaines à nettoyer l'étable et à se défaire des cadavres selon les règles fixées par le MAPAQ. Au début mars, M. Lavallière a consulté un médecin, qui lui a diagnostiqué une dépression sévère.

Le juge Kouri a trouvé des éléments contradictoires et invraisemblables dans les versions de M. Lavallière et de Mme Trottier. Il s'est étonné que celle-ci n'ait rien vu de la détresse de son mari. D'autre part, il a estimé «tout aussi étrange» que M. Lavallière «puisse continuer à travailler pour son entreprise et ne pas être en mesure de remplir ses fonctions à l'intérieur du bâtiment opéré par sa conjointe».

Le magistrat conclut que Mme Trottier a failli à ses devoirs de propriétaire d'un élevage de bovins et l'a déclarée coupable. Les plaidoiries sur la peine auront lieu en septembre. Ce type d'infraction est punissable d'une amende maximale de 15 000$.

Mme Trottier était absente quand La Presse a téléphoné chez elle, hier. M. Lavallière a répondu qu'il n'y aurait pas de commentaires. Le couple élève maintenant des chèvres.

Il est à noter que Mme Trottier n'était aucunement accusée de négligence envers ses animaux. Le MAPAQ transmet la preuve et c'est le directeur des poursuites criminelles et pénales qui porte les accusations, a indiqué Alexandre Noël, du MAPAQ.

- Avec la collaboration du Soleil