Le Sénat français a voté hier le retrait de la pénalisation des clients de sa proposition de loi sur la prostitution, au moment où les députés canadiens mènent une étude intensive de la question en comité parlementaire.

Ce changement, qui pourrait être renversé plus tard dans le processus législatif, marque la division des parlementaires français, et au sein même du gouvernement, au sujet de cette approche inspirée du modèle suédois.

Le projet de loi C-36, qui fait l'objet d'une étude en comité parlementaire à Ottawa, reprend certains des éléments de cette proposition de loi française, dont la criminalisation des clients. Mais le projet de loi canadien va plus loin: il maintient la criminalisation de la sollicitation dans certains lieux par les travailleurs du sexe, et il prévoit des amendes ou des peines d'emprisonnement pour l'achat de services sexuels.

En France, le nouveau régime proposé ne punirait les clients que par une amende de 1500 euros, en plus d'abolir le délit de «racolage».

En entrevue à La Presse il y a quelques semaines, l'auteure de la proposition de loi française, la députée Maud Olivier, avait d'ailleurs jugé que le modèle mis de l'avant par le gouvernement Harper allait trop loin.

Mme Olivier a réagi par voie de communiqué hier aux amendements votés à huis clos à 16 voix contre 12 par une commission spéciale du Sénat. «Si la loi ne prend pas en compte la nécessité de réduire la demande autant que les autres aspects, la loi ne sera pas efficace, a-t-elle déclaré. Nous ne doutons pas que les parlementaires, avec le soutien du gouvernement, rétabliront ce quatrième pilier.»

Situation dangereuse

Au Canada comme en France, plusieurs craignent que la criminalisation des clients ne continue à mettre les travailleurs du sexe en situation de danger.

De nombreux témoins ont réitéré cet argument hier en comité parlementaire à Ottawa. D'autres ont encore une fois exhorté le gouvernement à aller de l'avant avec une approche inspirée du modèle suédois, mais en modifiant le projet de loi pour retirer la criminalisation des prostitués.

Les audiences sur le projet de loi C-36 se poursuivront encore aujourd'hui et demain. Le gouvernement a jusqu'à la fin de 2014 pour adopter les changements, dans la foulée de l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Bedford en décembre. Le ministre fédéral de la Justice, Peter MacKay, s'est déclaré disposé à amender certains volets de son projet, mais il n'a pas précisé lesquels.

«Alors que la France se dirigeait vers le modèle nordique, les législateurs viennent de modifier profondément le texte initial lors de l'examen en comité, après avoir fait l'analyse et les études nécessaires», a réagi la députée du NPD Françoise Boivin, porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice.

«Tout ça nous rappelle l'importance de prendre notre temps pour bien étudier toutes les options disponibles et mettre en application la meilleure législation possible dans le contexte canadien, ce que le gouvernement conservateur ne fait pas.»