Neuf membres de la secte juive ultraorthodoxe Lev Tahor ont porté en appel la décision des autorités de Trinité-et-Tobago de leur refuser le droit d'entrer dans ce pays, a rapporté vendredi le procureur général.

Cela retardera vraisemblablement toute tentative du Canada de rapatrier les membres de la secte pour se soumettre à la décision des tribunaux. Une juge ontarienne a émis mercredi une injonction afin que les enfants soient confiés aux services sociaux.

Le procureur général de Trinité-et-Tobago a indiqué à La Presse Canadienne que la demande d'appel des voyageurs ontariens avait été déposée vendredi auprès des autorités de l'immigration de cette petite île d'Amérique du Sud.

Les autorités judiciaires canadiennes ont toutefois refusé de dévoiler quelles mesures elles prendraient pour faire revenir le groupe au pays.

En raison du week-end qui commence, l'appel ne sera vraisemblablement pas entendu avant la semaine prochaine.

La secte est installée à Chatham depuis quelques mois, après avoir quitté Sainte-Agathe-des-Monts, dans les Laurentides, pour fuir la Direction de la protection de la jeunesse québécoise, qui devait s'occuper de 14 de leurs enfants.

Une cour de l'Ontario a à son tour rendu une décision, le mois dernier, pour que la garde de 13 enfants soit confiée à la DPJ. La 14e enfant est une mère mineure dont le bébé est visé par la décision. Les parents avaient 30 jours pour porter cette décision en appel, période pendant laquelle ils pouvaient garder leurs enfants.

Des familles de Lev Tahor ont depuis quitté le Canada à destination du Guatemala, et deux d'entre elles ont été interceptées à Trinité-et-Tobago.

L'appel devait être entendu mercredi en Cour supérieure de l'Ontario, mais comme les familles ont déguerpi, la protection de la jeunesse de Chatham-Kent a plutôt déposé une demande d'injonction qui a mené à la décision de confier immédiatement les enfants aux services sociaux, en attendant la suite des procédures.

Le groupe s'est rendu jusque dans les Caraïbes avec la compagnie aérienne WestJet, qui devra les ramener au Canada et couvrir les frais en attendant la suite des événements.

La secte Lev Tahor, qui signifie «coeur pur», est arrivée au Canada en provenance d'Israël en 2005 après que le gouvernement eut accordé à son leader, le rabbin Shlomo Elbarnes, le statut de réfugié - il a plaidé la persécution dans son pays parce que cette communauté est contre le sionisme.

Puis, à la fin de l'an dernier, des membres de la communauté religieuse de Sainte-Agathe-des-Monts faisaient l'objet d'une enquête des services sociaux au Québec, notamment pour des questions d'hygiène et de santé des enfants, et à propos d'allégations voulant que les petits ne suivent pas le programme du ministère de l'Éducation, et que les adolescentes soient soumises à des mariages forcés.

Denis Baraby, responsable de la Direction de la protection de la jeunesse pour la région des Laurentides, dit avoir discuté avec le ministère québécois de la Justice et la police à propos de la possibilité que d'autres démarches judiciaires soient entreprises pour ramener les enfants au Québec.

«Ce que je souhaite, c'est simplement le retour des 14 enfants au Québec. C'est une situation qui traîne depuis quatre mois maintenant. Le départ du Canada n'est pas vraiment surprenant pour moi après les événements de février», a-t-il déclaré en entrevue avec La Presse Canadienne.

Selon lui, les leaders de la communauté religieuse n'avaient tout d'abord pas réagi négativement aux démarches de la DPJ.

«Par contre, ils ont quitté le Québec sans préavis.»

«Notre préoccupation, c'est l'ensemble des enfants; on a beaucoup parlé, au cours des derniers mois, des 14 qui ont fait l'objet d'un jugement, mais mon souci, c'est le sort des 100 quelques autres qui restent à Chatham en famille, et à propos desquels la rumeur veut que leurs familles se préparent à aller rejoindre les autres au Guatemala.»

«Une fois qu'ils auront rejoint leurs proches ailleurs, c'est sûr que les enfants seront laissés à leur sort», a-t-il poursuivi.

«Au départ, nous nous sommes adressés aux tribunaux pour poursuivre nos interventions; on ne peut pas rester ad vitam aeternam dans des familles en enquête», dit M. Baraby, en précisant que des changements s'accomplissaient «lentement, mais sûrement» chez les familles visées, avec qui travaillaient les intervenants de la DPJ.

«Dès que nous nous sommes mis à parler de tribunal, je comprends que cela les a fait paniquer; ils avaient peur que l'on retire les 14 enfants, et ils se sont enfuis en Ontario. D'ailleurs, le fait qu'ils ne collaborent pas, là-bas, avec les autorités, indique clairement qu'ils n'ont pas l'intention de remettre leur mode de vie en question. Les enfants vont continuer de subir les sévices, d'être aux prises avec la négligence dont ils font l'objet, et il faut que nous puissions nous occuper de ces enfants.»

«C'est un mode de vie inacceptable.»