La Gendarmerie royale du Canada (GRC) vient de se faire servir une réprimande par la Cour d'appel du Québec pour avoir «bafoué le système» de libérations conditionnelles en mentant «sans vergogne» et de «façon outrageante» à ses partenaires fédéraux.

Dans une décision rendue il y a quelques semaines, le tribunal reproche au corps de police d'avoir certifié l'intégrité d'un ex-détenu à la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC) et à Services correctionnels Canada (SCC).

Au même moment, celui-ci continuait toutefois à vendre d'importantes quantités de cocaïne, avec la bénédiction de la GRC, «aussi incroyable que cela puisse paraître», ont écrit les juges.

L'individu en question était utilisé comme agent d'infiltration.

Les fautes commises par la GRC sont si graves que la Cour d'appel a mis fin aux poursuites - ou confirmé la fin de celles-ci - contre une dizaine de présumés trafiquants piégés par l'agent.

«C'est la GRC elle-même qui, par la participation d'acteurs de haut niveau, a bafoué le système, d'où une inconduite encore plus choquante qui ébranle la confiance du public tant envers cette agence de l'État que, par ricochet, envers le système de justice», a écrit la Cour d'appel. «Voilà pourquoi il faut réagir en arrêtant les procédures, sans quoi l'intégrité du système de justice sera ébranlée.»

«Froid dans le dos»

En 2004, Pierre Tremblay est en libération conditionnelle après avoir purgé une peine de prison pour trafic de stupéfiants. Il n'a pas le droit de côtoyer des criminels ni - évidemment - de commettre lui-même des crimes.

La GRC recrute alors Tremblay, en soulignant qu'elle sait qu'il continue à s'impliquer dans le commerce de la cocaïne à Montréal. La police entreprend du même coup des démarches pour que son nouvel agent d'infiltration reçoive la permission de côtoyer les criminels qu'il devra ensuite dénoncer.

Pour ce faire, le corps de police assure à la Commission qu'il a Tremblay à l'oeil et jure que tout comportement inadéquat de sa part sera rapidement dénoncé. Ce faisant, la GRC «a caché l'existence de ses activités criminelles ainsi que les nombreux bris dont elle avait été témoin», conclut la Cour d'appel.

La décision de la Commission des libérations conditionnelles, prise sur la base des fausses informations fournies par la GRC, indique qu'«aucun manquement» n'est à déplorer chez Pierre Tremblay, qui appert avoir «cheminé adéquatement en communauté». On l'autorise donc à frayer avec le monde criminel dans le cadre de son travail pour la GRC.

«Pour reprendre une expression populaire, le texte de la décision «donne froid dans le dos»», a écrit la Cour d'appel devant une telle déformation de la réalité. «Le SCC et la CNLC ont été tout simplement bernés, et la preuve établit de façon éclatante que la CNLC n'aurait jamais rendu cette décision si elle avait été au fait de la situation véritable de M. Tremblay.»